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Pour la première fois à Metz, Giovanna d’Arco de Verdi

Luxueux plateau pour un ouvrage rare, dont la dimension hiératique est soulignée par la mise en scène. Un spectacle à découvrir absolument.


Initialement programmée au mois de juin de l'année dernière, cette production de Giovanna d'Arco de Verdi avait été conçue dans le cadre des festivités destinées à célébrer le 800ᵉ anniversaire de la cathédrale Saint-Étienne de Metz. La mise en scène de rend délibérément hommage, lors de la scène du couronnement de Charles VII, à cet édifice dont plusieurs images sont projetées en arrière-plan. De manière générale, la mise en espace de cet opéra du jeune Verdi accentue la dimension hiératique d'un ouvrage qui serait presque présenté à la manière d'un oratorio. Distanciation physique oblige, les mouvements du chœur restent foncièrement statiques, l'action à proprement parler étant réduite aux faits et gestes des trois protagonistes principaux, pour un opéra qui ne compte en tout et pour tout que cinq solistes. Les faits d'armes de Jeanne, annoncés dès l'ouverture par la très belle chorégraphie d'Aurélie Barré, sont ainsi montrés comme des gestes prégnants et forts, qui contrastent avantageusement avec l'immobilité des autres acteurs présents sur le plateau. Comme souvent dans les propositions de , la beauté des costumes et des éclairages, l'élégance d'un décor réduit au strict minimum et le raffinement des couleurs constituent un régal pour l'œil. L'utilisation du noir et blanc de la conception vidéo complète idéalement les pastels ainsi que le camaïeu de gris des décors et des costumes. Une belle production, dont l'esthétisme assumé rachète les faiblesses structurelles d'un ouvrage dont la structure et la dramaturgie restent quelque peu problématiques, pour ne rien dire des libertés prises avec la réalité historique. Tout cela, on le sait, est transcendé par les réelles beautés de la partition.

Du point de vue de la musique, l'oreille est également à la fête. Seule déception vocale, le Giacomo de met quelque temps à chauffer sa voix et à trouver ses marques. Un rien chevrotant et manquant d'assurance lors de la première partie, il sait néanmoins trouver au dernier acte des accents tout à fait convaincants pour exprimer le remords du père de Jeanne. Dans le rôle dramatiquement ingrat de Charles VII, met également quelque temps avant de donner le meilleur de lui-même. On n'en apprécie pas moins dès son premier air la beauté solaire du timbre, l'assurance des phrasés et, de plus en plus affirmées au cours de la soirée, les subtiles nuances de la mezza voce. Le dernier acte le trouve en voix littéralement royale. C'est en fine belcantiste que aborde le rôle de Jeanne, qu'elle chante à Metz pour la première fois. Au sommet de ses moyens, la soprano italienne déploie des trésors de raffinement et de musicalité tout au long des airs et des ensembles de Jeanne. Le léger voile dont est couvert la voix contribue à donner au rôle les accents de mélancolie qui siéent à merveille à ce personnage rongé par le doute. La soprano n'a aucun mal, par ailleurs, à dominer les grands ensembles qui émaillent la partition. Cette distribution de luxe est complétée par la noble présence de la basse en Talbot et également par celle du jeune ténor , choriste à l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole, pour la partie encore plus épisodique de Delil.


Dans un ouvrage comme celui-ci, dans lequel les voix de Jeanne occupent une réelle fonction dramatique, le chœur est évidemment un protagoniste essentiel. Considérablement renforcé pour la circonstance, l'ensemble choral de la maison rend pleinement justice à une partition exigeante. Répartis entre la fosse d'orchestre et les premières rangées du parterre, de manière à respecter les gestes barrières en vigueur, les musiciens de l' proposent une lecture fine et détaillée de la partition. La mise en place corrige par ailleurs les défauts acoustiques d'une salle généralement peu flatteuse pour les grandes formations instrumentales. Le chef , familier de la maison, sait à la fois soigner la dimension intimiste de l'ouvrage de Verdi, tout en donnant leur lustre à ces grands ensembles choraux qui font la force de ce très bel ouvrage. On l'aura compris, toutes les raisons sont réunies pour voir coûte que coûte un spectacle particulièrement accompli, donné qui plus est dans les conditions difficiles que l'on connait. On saluera également l'effort de la direction pour assurer au public toutes les conditions de sécurité nécessaires.

Crédit photographique © Luc Bertau – Opéra-Théâtre de Metz Métropole

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