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Sous l’œil de Noureev à l’Opéra de Paris

Chorégraphe phare de la maison, est à l'honneur dans une soirée qui lui est consacrée. À travers différents pas de deux issus de ses ballets les plus fréquemment donnés, ce sont des danseurs qui foulent à nouveau la scène du Palais Garnier après une saison très bousculée et une rentrée profondément remaniée.

On peut alors se demander l'intérêt de rendre compte d'une soirée dont le format non advenu jusqu'alors restera unique – on aurait du mal à concevoir une saison uniquement composée de ces soirées composites.
Il y a une certaine déception sur le fait qu'il y ait des pas de deux ramenés uniquement à leur adage, sans les variations et la coda dont l'ensemble est censé former un équilibre. Se faire succéder ainsi des morceaux lents et introspectifs de façon indifférenciée est finalement assez frustrant.

Toujours est-il que les danseurs, dont les prestations se passent sur un proscenium recouvrant la place habituelle dévolue à l'orchestre, sont ainsi plus proches du public ; on gagne là en corps (les bruits des pas, des chaussons de pointe, les détails des costumes) ce que l'on perd un peu en magie (que favorise généralement l'éloignement de la scène). Par ailleurs, pratiquement tous les danseurs, à peu de choses près, avaient déjà dansé leur partie les saisons précédentes, que ce soit en gala ou lors de spectacles entiers. On peut donc avoir l'impression d'être face à ce qui pourrait se faire de mieux en matière de chorégraphies de Noureev. Mais la lourdeur du langage dansé est parfois évidente (Cendrillon) quand elle est mise à côté de l'excitation épuisante de Roméo et Juliette sortie de son contexte.

C'est alors qu'il faut apprécier ce qui peut être sans recherche superfétatoire et est, sur cet aspect, incontestée. L'adage de l'acte II de Casse Noisette la montre maîtresse de tous ses moyens, solide comme un roc et dans un jeu perpétuel avec le public par son regard perçant. Elle reste donc l'Étoile de la soirée qui accompagne un fébrile mais très accompli techniquement. Ce n'est pas vraiment le cas de et de dans la Belle au bois dormant dont la prestation est honorable, mais assez crispée et peu investie. En revanche, les cinq minutes de Manfred permettent à de rendre la souffrance incandescente du personnage de façon stupéfiante, défiant l'insipidité d'une bande son enregistrée, par un engouement incandescent. Finalement, le Pas de deux de Don Quichotte est celui qui emporte l'adhésion avec la sûreté de et qui commence à poser ses jalons de premier danseur de demi-caractère virtuose.

Complémentaire à la soirée des Étoiles, ce programme centré sur l'héritage de Noureev, dans une période incertaine socialement, pourrait également être l'occasion de s'interroger sur ce que pourrait être le cap, dans cette période de transition, de la politique artistique de la maison.

Crédit photographique: et dans Casse Noisette © Svetlana Loboff

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