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Klaus Mäkelä, de l’audace, de l’audace, toujours de l’audace…

En proposant ce programme pour le moins ambitieux, sinon téméraire, associant la Pavane pour une infante défunte de Ravel, le Concerto pour piano n° 3 de Bartók avec en soliste et la testamentaire Symphonie n° 9 de Bruckner, le jeune chef finlandais prend encore une fois tous les risques…Un pari beaucoup trop risqué.


Grave et lente la Pavane pour une infante défunte de Ravel baigne dans une ambiance éthérée et quelque peu sirupeuse plus que dans une véritable déploration, soulignant le caractère rêvé de cette pièce célèbre que les vents de l' portent au sommet dans une belle transparence juste troublée par les glissandi de la harpe.

Mal aimé, souffrant souvent de la comparaison avec les concertos précédents, le Concerto pour piano n° 3 de Bartók (1945) est une œuvre posthume que le compositeur écrivit sur son lit de mort à l'intention de son épouse, la pianiste Ditta Pasztori. Laissé inachevé, ses 17 dernières mesures furent complétées par son élève Tibor Serly. nous en livre une interprétation très dynamique, très rythmique et engagée, rustique et un peu trop percussive dans le premier mouvement. L'Adagio Religioso suivant manque à l'évidence de tension, d'intériorité et de continuité, réduit à quelques notes égrenées, entrecoupées de silences pesants. Seule la fin du mouvement retrouve un peu d'intérêt dans le beau dialogue établi entre la petite harmonie et l'orchestre. L'Allegro final est sans doute le moment le plus réussi, instant tant attendu où, enfin, soliste et orchestre se retrouvent dans une symbiose virtuose.

Après une Neuvième de Mahler peu convaincante en décembre dernier, , à la tête de l', semble avoir fait sienne la célèbre citation de Guillaume d'Orange selon laquelle « il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Acceptant avec panache (et beaucoup d'inconscience !) de se mesurer aux plus grands brucknériens actuels, comme Haitink ou Blomstedt, dans la redoutable Symphonie n° 9 qu' laissa inachevée (1896), il faut bien reconnaitre que a poussé le bouchon un peu trop loin. Cette œuvre qui se doit d'être interprétée avec une ferveur profonde comme une immense prière, sorte de chant du cygne, d'adieu à la vie, composée à la gloire de Dieu, devient sous sa baguette une véritable caricature, boursoufflée, oscillant entre accents hollywoodiens, et pathos pleurnichard. Le premier mouvement Feierlich, Misteroso (solennel et mystérieux) parait dès les premières notes d'une lourdeur accablante, le phrasé en est chaotique avec des nuances trop marquées. La texture orchestrale est opaque, les contrechants inaudibles, les transitions grossières dans un discours dont on peine à saisir la ligne directrice. Mäkelä nous sert, ce soir, un Bruckner « en kit » se réduisant à des bribes instrumentales, au demeurant très belles, mais isolées et vides de sens, aux allures de marche militaire (cuivres et timbales outrancièrement poussés) à mille lieux du message brucknérien : « Ad majorem Dei gloriam ». Le Scherzo central, moins délicat d'interprétation, car plus extraverti et nécessitant moins de profondeur d'intonation est sans doute le meilleur moment de cette lecture qui ne fera pas date. Le martèlement rythmique inexorable et apocalyptique des damnés y est bien présent, mené impeccablement avec précision et une vigueur rare, associé aux figures grimaçantes des bois. Le trio lyrique et souriant (bois et cordes) y déploie un saisissant contraste. L'Adagio final qui se doit d'être interprété comme une longue ascension vers la Lumière céleste peine à prendre son envol, retombant dans les mêmes travers que lors du premier mouvement. Tout ici est théâtral, mal venu, à contresens, porté par la direction très maniérée de nous laissant, hélas, cloués au ras du sol, malgré les superbes performances solistiques de l'.

Si nous étions demeurés bien loin des horizons bleutés de la Neuvième de Mahler lors du dernier concert, c'est ce soir devant des portes du Ciel désespérément closes que Mäkelä nous abandonne…

Crédit photographique : Klaus Mäkelä © Mathias Benguigui/ Pasco and Co/Orchestre de Paris

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