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Andrea Chénier à Athènes

Par un juste retour des choses, c'est à Athènes, sur la terre matricielle de la démocratie, que l'Opéra national de Grèce commémore en 2021 le bicentenaire de la Révolution grecque avec cette production d'Andrea Chénier d' reposant sur un trio vocal associant , et .

Si le choix de cet opéra par le GNO semble évidemment parfaitement adapté aux circonstances commémoratives par son contexte révolutionnaire, tel n'est pas le cas de la mise en scène de , qui s'en tient à une lecture éminemment « classique » au premier degré, avec scénographie et costumes à l'avenant. Mais peut-on faire autrement quand Fouquet-Tinville et Robespierre s'invitent dans la distribution ? La question reste posée en attendant des productions à venir peut-être plus inventives. Le livret nous conte les amours malheureuses du fougueux poète et de la rêveuse Madeleine de Coigny, emportés tous deux par la tempête révolutionnaire jusqu'à l'échafaud. Un livret limpide, une dramaturgie efficace, une orchestration somptueuse, une distribution vocale exigeante, telles sont les principales caractéristiques qui expliquent le succès de cette partition de Giordano, jeune auteur vériste qui restera pour la postérité l'homme de ce seul opéra.

C'est donc peu dire que l'opéra d' est un opéra « de chanteurs », et tout particulièrement de ténors, où Roberto Alagna et Jonas Kaufmann tiennent le haut de l'affiche comme cela a été le cas au ROH dans la production de David McVicar en 2015 ou 2019. fait partie de ces heureux élus comme en témoigne sa prestation unanimement acclamée à l'Opéra Bastille, lors de sa prise de rôle en 2009 ou au Met en 2014. Hélas, la patine des ans a sérieusement entamé les possibilités vocales du ténor argentin qui peine aujourd'hui à assumer sans accrocs les difficultés vocales de cette redoutable partition. Le rayonnement vocal semble désormais appartenir au passé, le timbre légèrement barytonnant, le souffle court, la ligne chaotique sans legato et les aigus forcés restreignent la crédibilité du rôle. Tel n'est pas le cas de qui campe une Madeleine touchante, fragile et vulnérable, assumant jusqu'au bout son rôle, tant scéniquement que vocalement, usant d'un timbre séduisant, d'un beau legato, d'un large ambitus, d'aigus faciles et d'une implication très convaincante dans un superbe et déchirant « La mama morta ». Indiscutable titulaire du rôle, de Covent Garden à la Scala, donne à son Gérard toute l'autorité, la jalousie et le remord nécessaires par son baryton puissant, profond et coloré. Le reste de la distribution est souvent pénalisé par un défaut d'équilibre entre la fosse et la scène, avec un orchestre largement prédominant sur les voix : mauvaise prise de son, ou erreur de direction ? Difficile de trancher sur un enregistrement vidéo… On notera cependant un Roucher (Yannis Yannissis) bien timide, une Bersi (Marisa Papalexiou) piquante mais vibrante, une Comtesse (Inès Zikou) manquant de projection, un Incroyable (Christos Kechris) trop discret vocalement et une Madelon (Julia Souglakou) bien chantante, tragique et émouvante. Le Chœur du GNO souffre de quelques attaques approximatives et d'un manque de cohésion, tandis que l'orchestre du GNO (avec ses superbes cordes) rend justice, sous la baguette de , de façon parfois un peu trop véhémente, à la somptueuse orchestration de Giordano.

Crédits photographiques : © Andreas Simopoulos

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