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Les Six concertos brandebourgeois d’Anne Teresa de Keersmaeker

Pour sa deuxième collaboration avec la chorégraphe , Bel Air Classiques propose une captation exceptionnelle de Six concertos brandebourgeois, enregistrée à l'Opéra Garnier lors d'une série de représentations en mars 2019.

L'éclatante réussite de Six concertos brandebourgeois est le fruit d'un travail subtil de références à ses premières œuvres, que la chorégraphe elle-même a qualifié de « spectacle de récapitulation », presque un bilan dans lequel on retrouve des traces de tout son parcours, et bénéficie de l'interprétation magnifique de danseurs de différentes générations de la compagnie , qui fait coexister différents âges de la vie.

Sur le grand plateau de Garnier, la caméra épouse avec virtuosité les mouvements de la chorégraphie, alternant plans d'ensemble et gros plans sur des danseurs ou des groupes de danseurs. Ce parti pris de réalisation fait parfois perdre de vue l'extrême sophistication de l'écriture et de la composition chorégraphique, mais rend plus charnel le rapport aux interprètes dont on saisit les nuances et les visages, qui se teintent peu à peu de fatigue. Fluide et constamment musicale, la chorégraphie repose sur l'émouvante présence des interprètes, leur luminosité et leur engagement.

Du côté de la fosse d'orchestre, la caméra s'attarde aussi sur le violon d', énergique cheffe de l'ensemble baroque B'Rock, ou sur les solistes de cet orchestre qui joue sur instruments anciens. L'obsession de la marche nourrit la chorégraphie du Concerto n° 1 en fa majeur BWV 1046, qui se structure autour de lignes droites, d'où se détachent certains motifs, répétés plusieurs fois, comme dans un Menuet ou une Polonaise, ou encore du canon, comme ce formidable pas de deux au son du hautbois et du violon picolo.

Le Concerto n° 2 en fa majeur BWV 1047 s'achève par un Allegro assai enlevé, tandis que le Concerto n° 3 en sol majeur BWV 1048 est l'occasion pour les danseurs masculins de se confronter à plusieurs générations. Sur les traces dessinées par les parcours du Concerto n° 1, ils progressent à pas chassés, sautillant avec régularité. Légèreté et gravité caractérisent la ligne mélodique du Concerto n° 4 en sol majeur BMW 1049, plus mélancolique dans son Andante, où ose des portés, tandis que le clavecin domine la ligne mélodique du Concerto n° 5 en ré majeur BWV 1050, avec des notes plus délicates pour un quatuor de danseurs où l'on retrouve les formes vrillées affectionnées par la chorégraphe flamande dans une longue et magnifique cadence. Pour le Concerto n° 6 en si bémol majeur BWV 1051, les lignes directrices initiales de la marche ont cédé le pas à une construction plus circulaire.

Les dernières minutes du spectacle, qu' a comparé visuellement à une nuée d'étourneaux lors de sa conférence au Collège de France le 10 avril 2019, concluent brillamment un impressionnant travail de dentelle et de complicité musicale et chorégraphique, entre danseurs et musiciens d'une part, directrice musicale et chorégraphe d'autre part.

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