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Faust retrouve le public à l’Opéra Bastille dans sa nouvelle mise en scène

Créée la saison passée devant les caméras pour être diffusée en streaming, la nouvelle mise en scène de Faust de Gounod par à l'Opéra national de Paris apparaît cette année devant public, avec toujours pour point fort dans le rôle-titre.


Peut-être le diable s'en est-il mêlé, mais depuis la dernière reprise de la production Lavelli en 2003, avec Gary Bertini en fosse et Rolando Villazón en docteur, les déboires se sont accumulés pour le chef-d'œuvre de Gounod à l'Opéra de Paris. Passé Gerard Mortier désintéressé par l'œuvre, Nicolas Joel a tenté une nouvelle production de Jean-Louis Martinoty en 2011, portée par Alain Altinoglu et Roberto Alagna, partiellement limitée scéniquement par de multiples grèves. Jamais reprise, la mise en scène offrait ses décors de Titus Engels à la proposition de Jean-Romain Vesperini, où Piotr Beczala et Michael Fabiano se partagaient en 2015 une affiche volée par la superbe direction de Michel Plasson.

Stéphane Lissner avait donc prévu de remettre l'ouvrage sur le métier en invitant pour la première fois à Paris , marquant ces dernières années avec Le Prophète (Meyerbeer) à Karlsruhe, Le Nain (Zemlinsky) à Berlin ou surtout Tannhäuser (Wagner) à Bayreuth, et vu en France seulement deux fois, pour Les Huguenots (Meyerbeer) à Nice et Guillaume Tell (Rossini) à Lyon. Mais le Covid-19 aura eu raison de la Première, finalement donnée en 2021 devant les caméras, pour des spectateurs invités à rester chez eux. Alexander Neef parvient enfin à rompre la malédiction en cette fin de saison, avec une distribution quasi identique à celle de l'année passée, au Siebel et à la Marguerite près, cette dernière habilement dévolue à , point-fort avec le rôle-titre de cette série de représentations.

Autre changement notable, la direction n'est plus confiée à Lorenzo Viotti mais à , choix d'autant plus surprenant que s'il maintient bien les équilibres et contrôle des chœurs toujours en place, il semble plus aborder les Scènes du Faust de Goethe de Schumann que l'opéra de Gounod. Dès l'ouverture, le tempo lent s'accorde à des accords pesants qui lorgnent clairement vers le romantisme allemand plutôt que vers les couleurs de la musique française. De beaux moments d'orchestre en ressortent, mais jamais la fosse ne danse ni ne dynamise le plateau, au risque d'affaiblir la proposition scénique.


Plus intéressante par son geste théâtral que par son propos global, la vision de Kratzer débute joliment dans un appartement bourgeois récent au mobilier classieux d'intellectuel éclairé. Le Docteur Faust est un homme riche et âgé, d'abord porté par Jean-Yves Chilot, magnifique de présence bien que muet, tandis que commence à chanter sur le côté devant un pupitre sans partition. Une belle prostituée se réveille sur le divan et se rhabille pour se rapprocher de Faust, qui en souhaite un baiser. Mais elle ne veut que son argent et s'écarte, main levée dans l'attente des billets.

Passé un Acte II quelque peu ringard où des jeunes de cité jouent au basket, puis une boite de nuit dans laquelle Faust découvre Marguerite, la réminiscence de la première scène revient à l'Acte III dans lequel finalement, et bien que Faust soit redevenu jeune, c'est par l'argent, grâce au collier de diamants, qu'il conquiert sa bien-aimée. La jeunesse vaudrait toutes les richesses, mais Kratzer met bien en avant dans sa lecture le rapport de classes, même s'il ne parvient pas ensuite à développer l'idée, agençant seulement bien les derniers actes, notamment par une voûte de métro plutôt que d'église au IV, puis par une chevauchée nocturne dans Paris sous les vidéos de Manuel Braun en guise de Bacchanale, bien enchaînée après une Nuit de Walpurgis que le diable éclaire en mettant feu à Notre-Dame.


Parmi ces images plus ou moins convaincantes, tient Faust impeccablement du début à la fin, tout juste quelque peu mis en difficulté par la lenteur de certains tempos, mais sublime pour son Salut, demeure chaste et pure, chanté finement du perron en béton de l'immeuble de celle qu'il croit aimer. D'une voix charnue au grain bien marqué, répond d'une belle Marguerite, tout particulièrement dans sa Chanson du Roi de Thulé, comme celle de Ermonela Jaho l'an passé, plus attirante qu'un Air des Bijoux en manque d'espièglerie – là encore en partie à cause de la direction. Elle ressort tout particulièrement du dernier trio, tandis que le Méphistophélès de présente un timbre noir idéal, mais perturbe dans le maniérisme d'une diction pas toujours claire. Emily D'Angelo prend la place occupée par Michèle Losier l'an passé pour un beau Siebel, très crédible travestie en jeune étudiant, chanté d'un timbre de voix juvénile et sensible particulièrement adapté à l'Acte IV.

d'abord cabotin pour Valentin traite avec émotion sa mort en fin d'opéra, tandis que livre au début un Wagner qu'on aurait aimé entendre dans une plus longue chanson à boire. conclut la distribution par une attirante voisine. Avec un chœur superbement échauffé à la scène des soldats, cette distribution aurait encore gagné à être enflammée par la fosse pour mieux exalter le plus beau livret écrit par Carré et Barbier.

Crédits photographiques : © Charles Duprat / Opéra national de Paris

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