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Paris l’été : la danse en mode commando

La danse continue à s'épanouir au festival Paris l'été. Dans l'espace public, un groupe d'intervention de choc décline, façon commando, des extraits du répertoire de Preljocaj. Tandis qu'au Lycée Jacques Decour, c'est la compagnie espagnole Kor'sia qui revisite Jeux dans une version robotique.

C'est une introduction partielle et réjouissante au répertoire d'. Depuis les accents baroques d'Atys, sa dernière création pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, jusqu'aux rifs de guitare de Jimmy Hendrix dans Deleuze / Hendrix, tout l'éventail des inspirations du chorégraphe aixois est décliné dans l'espace public par une brigade de choc.

En mode commando, vêtus de noir, huit danseurs et danseuses s'emparent de l'espace pavé de Bercy village, entre les boutiques et le cinéma, pour un condensé efficace et tonique du répertoire pléthorique d'. On y retrouve de larges extraits du Lac des cygnes, et de Deleuze / Hendrix donc, mais aussi un extrait de Liqueurs de chair dans lequel les manteaux en laine ont été remplacés par des imperméables, ou de Noces la pièce de 1989 inspiré à par Nijinska. On apprécie de la part des danseurs leur capacité à passer d'un univers chorégraphique à un autre en conservant une précision du mouvement et une grande qualité d'attention.

Danser en basket sur le pavé n'est certes pas la même chose que de danser pieds nus sur le tapis de danse d'une scène prestigieuse. Créé en 2019 pour diffuser et faire connaître la danse dans les villages et sur les places de marché, le GUID intervient dans l'espace public, mais aussi dans les crèches ou dans le milieu carcéral, pour un total de 70 représentations par an, essentiellement dans la région Provence Alpes Côte d'Azur. Chaque représentation est suivie d'un échange avec le public, qui permet aux danseurs de se présenter. Certains danseurs sont passés par le junior qui compte 50 danseurs de 18 à 22 ans en contrat d'apprentissage, d'autres viennent du Ballet permanent et sont aussi répétiteurs. La séance se termine par la chorégraphie collective Danse l'Europe !, commandée à Angelin Preljocaj dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne. Une belle diversité d'âges et de parcours qui enrichit cette rencontre inédite entre un répertoire et un public.

Paris l'été a également invité dans la cour du Lycée Jacques Decour la compagnie madrilène Kor'sia avec son spectacle Igra, qui revisite les Ballets russes, dont Jeux.
Une rangées de sièges baquet, un filet de tennis et quelques balles jaunes, c'est le décor insolite dans lequel évolue Kor'sia, la compagnie espagnole dirigée par et . Une évocation très proche du décor original de Teo Otto, dont deux dessins pour une nouvelle production du ballet Jeux (Poème dansé) de Claude Debussy peuvent être vus au Centre Pompidou dans l'exposition Nouvelle Objectivité.

Lors de sa composition en 1912, puis sa création pour la scène en 1913, l'argument de Jeux est original : « Dans un parc au crépuscule, une balle de tennis s'est égarée ; un jeune homme, puis deux jeunes filles s'empressent à la rechercher. La lumière artificielle des grands lampadaires électriques qui répand autour d'eux une lueur fantastique leur donne l'idée de jeux enfantins. » Transposé par la compagnie madrilène, le court de tennis abandonné avec ses jeux de course-poursuite devient une zone presque extra-terrestre.

La pièce commence par un solo désarticulé, dont on retrouvera la trace insolite à la fin du spectacle. Plusieurs séquences très robotiques, avec des costumes anonymisés (cagoules, lunettes noires) et des éclairages rouges, donnent une tonalité de science-fiction au spectacle et engagent l'ensemble de la compagnie dans une chorégraphie très millimétrée et anguleuse. Outre le point de départ du spectacle, la relecture de Jeux de Nijinsky, Igra offre aussi de nombreuses réminiscences des Ballets russes, dont Noces de Nijinska. les chants traditionnels et les polyphonies Russes sont retravaillés dans une bande-son sophistiquée.

Ce qui rend cependant le spectacle un peu vain est la discontinuité de ces séquences dans une dramaturgie peu perceptible. La séquence finale, dans laquelle on retrouve le solo introductif, nous projette par exemple dans une société de singes bonobo, prétexte à évoquer dans une voix off la théorie de l'évolution.

 

Crédits photographiques : GUID : © Jean-Claude Carbonne ; Igra : © Maria Alperi

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