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Le Prisonnier de Dallapiccola trouve la puissance de Kirill Petrenko à Berlin

Revenus de leur tournée de rentrée, et les Berliner Philharmoniker présentent un programme d'ouvrages du tournant musical du milieu du XXe siècle, avec cette année le génial Il Prigioniero de Dallapiccola.


Depuis sa nomination au poste de directeur musical des Berliner Philharmoniker, dirige chaque saison un programme d'ouvrages apparus après la Seconde Guerre Mondiale, dans lequel vient toujours s'intégrer une pièce de . Après Alagoana en 2020 puis Photoptosis en février dernier, surtout attirants sous cette battue par la maîtrise et la concentration déployées, la Sinfonie in einem Satz interprétée en cette rentrée bénéficie de la même maîtrise d'orchestre, cette fois largement décuplée pour porter la partition à un très haut niveau.

Introduit par Empreintes de , le concert du samedi soir expose dès les premières secondes un orchestre ultra-concentré, lancé par des cuivres impeccables de netteté, qui tiennent avec souffle les longues mesures de notes liées, avant que n'apparaissent les glissandi des cordes emmenées par le premier violon, Dashin Kashimoto. Le développement de l'ouvrage de 1975 étale la gestuelle très précise de Petrenko, qui réussit à faire que ses musiciens n'aient jamais la moindre seconde d'inattention. Plus cacophonique dans l'écriture, la deuxième partie de la pièce met aussi en exergue la petite harmonie, d'une superbe précision bien que toutes ses stars en soient absentes, jusqu'à la comique note conclusive du basson, faisant rire le public comme le chef.

La même approche, c'est-à-dire avant tout orchestrale, sert la Symphonie en un mouvement de Zimmermann, donnée dans sa version révisée de 1953 et pour laquelle l'accord introductif du tutti crée immédiatement une véritable tension. L'infernale densité de la superbe machine germanique permet au chef, lui aussi toujours très concentré, de promulguer une puissance accrue par les attaques fracassantes de tous les groupes, de percussions très robustes à des cuivres chauffés à blanc. En milieu de mouvement, le développement plus calme met en avant des sonorités cristallines en plus d'exposer les qualités de certains instrumentistes en solistes, toujours sous une impeccable rigueur rythmique, jusqu'à un retour au fortissimo, ré-interrompu une fois avant d'être emporté jusqu'à la conclusion.


La dernière œuvre de la soirée bénéficie du même soutien des Berliner, cette fois en compagnie de voix, puisqu'il s'agit du court opéra en un prologue et un acte de , Il Prigioniero, écrit à partir de 1944 pour être achevé quatre ans plus tard. D'après un livret du compositeur basé sur La Torture d'Auguste Villiers de L'Isle-Adam et Ulenspiegel de Charles de Coster (ce dernier texte déjà source du deuxième opéra de Braunfels trois décennies plus tôt), l'ouvrage italien laisse d'abord entrer seulement deux des cinq chanteurs, le Prisonnier de et la mère d', en plus du , toujours superbement échauffé pour ses interventions.

Débutée par des cris à l'aigu, la partie de la mezzo-soprano se voit très bien projetée, avant que la chanteuse ne diminue beaucoup en volume, peut-être aussi par fatigue pour ce troisième soir d'affilée du même programme. Puis Koch introduit ses plaintes en voix de fausset avec de touchants « Fratello », tandis que le Geôlier de fait son entrée. Le reste de la distribution profite de deux rôles plus courts avec le second prêtre engagé du baryton , et surtout le joli timbre de ténor du premier, . Tous, dont une partie du chœur en coulisse, sont accordés par dans une interprétation d'une tension permanente, d'une droiture et d'une compression qui rappellent l'enregistrement de Salonen (Sony), là où l'on peut attendre plus de souplesse, à l'instar de Dorati (Decca) ou plus récemment Mariotti (à voir sur YouTube). Toujours compacts, les Berliner s'adaptent à chaque geste du chef pour délivrer leur fermeté, et fermer par leur son tout espoir de liberté du Prisonnier.

Crédits photographiques : © ResMusica (saluts) & ©Bettina Stöß (concert)

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