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Warlikowski et Stundytė à Munich pour un diptyque Purcell/Schoenberg

La faiblesse conceptuelle de la mise en scène de dans ce diptyque Purcell/Schoenberg n'est pas rachetée par une réalisation musicale inaboutie.


Depuis ses débuts avec Eugène Onéguine, l'Opéra de Bavière réussit bien à . Sa Femme sans ombre est un des grands spectacles de la maison, et sa Salome atteignait des sommets de richesse interprétative, parvenant au cœur de l'œuvre par une éblouissante mise en situation historique. C'est Serge Dorny qui lui a proposé ce diptyque inédit, et on comprend bien pourquoi : au cœur des deux œuvres, une femme en perdition se dirige vers son implacable destin, comme tant d'autres héroïnes tristes que Warlikowski, depuis son inoubliable Iphigénie, a fait vivre sur scène.

On pourra s'extasier sur des images fortes qui cherchent à en mettre plein la vue aux spectateurs, mais elles ne changent rien à la torpeur générale qui envahit tout le spectacle, sans aucun doute un des moins bons de Warlikowski. Le problème, à vrai dire, n'est pas que théâtral : l'idée centrale du projet est de donner une scène à la mesure d', chanteuse certes singulière, mais qui ne peut pas tout chanter. Elle est parfaitement à l'aise dans les déferlements expressionnistes d'Erwartung, mais ne réussit pas à naviguer sur les émotions changeantes de Didon, dont elle ne sauve guère que la scène finale. Sa voix manque de souplesse pour les scènes dialoguées avec Belinda ou Énée, et ce d'autant plus qu'elle n'est pas assez soutenue par l'orchestre : ce n'est pas la première fois qu'un opéra baroque affronte les grands espaces du Nationaltheater, mais cette fois l'orchestre sonne pauvre, sans couleurs et surtout sans volume. Les choix de tempo d' sont souvent alanguis, peut-être pour laisser plus de temps à l'action scénique, mais ils contribuent à l'ennui profond qui se dégage de la soirée.


Après Purcell, Warlikowski impose un interlude interminable qui montre un tunnel bétonné, d'abord brut puis couvert de graffitis ; on voit certes la proverbiale lumière au bout du tunnel, mais elle ne cesse de s'éloigner. Un danseur de hip-hop évolue sur la scène, de manière impressionnante mais vaine, sur un fond musical tout aussi vide de sens. Un texte dans le programme indique que le personnage féminin central est une réfugiée, mais rien ne permet de le comprendre dans le spectacle ; on voit certes bien une femme perturbée, perdue dans un contexte qu'elle ne comprend pas, au milieu de la bande dont Énée est le centre, avec sorcières et marins. Énée, qui chante aussi le rôle du marin épris de voyage, est beaucoup plus attiré par la sensualité lumineuse de Belinda (, qui confirme ici les promesses de sa jeune carrière), que par la douloureuse Didon. On sent ici les prémisses d'un récit alternatif à la Tcherniakov, mais Warlikowski ne parvient ni à en exposer clairement les données fondamentales, ni à développer son récit au fil des deux œuvres. Un excellent Énée et un orchestre qui donne toute sa dimension dans Erwartung ne rachètent pas une soirée à la fois prétentieuse et vaine.

Crédit photographique © Bernd Uhlig

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