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Falstaff à l’hôpital par Denis Podalydès à Lille

Placé en hôpital par la mise en scène de , Falstaff offre à Lille le rôle-titre au baryton , au milieu d'une distribution homogène accompagnée par l' sous la direction d'.

Pour sa nouvelle production du dernier ouvrage de Verdi, utilise un décor impressionnant mais unique d' : celui d'un hôpital sur lequel au premier tableau, Falstaff échange avec Pistola et Bardolfo, chacun une perfusion au bras, tandis que le Dr Caïus tente de calmer tout son monde. Les femmes apparaissent ensuite à l'étage en habits de ville début XXe dessinés par , pour lire les deux lettres identiques du vieux dragueur. Elles se changeront au tableau suivant pour entrer dans leurs blouses d'infirmières.

Si cette proposition, coproduite avec les théâtres du Luxembourg et de Caen, situant l'action dans un seul lieu, limite un peu les mouvements de la première scène, elle trouve par la suite une cohérence, sans ôter au livret de Boito ni ses penchants comiques, ni l'intérêt des interactions entre les personnages. Malgré l'atmosphère froide des murs blanc, les lumières de Laurent Couderc adaptent régulièrement l'ambiance pour créer plus de chaleur, comme dans la scène si drôle où Falstaff doit se cacher dans le panier avant d'être jeté à l'eau. Par un jeu d'échange rapide hors-plateau, le contenu du panier formé en boule est accroché pour être surélevé à cinq mètres de hauteur avant d'être lâché au sol avec grand fracas, créant une belle surprise pour une partie du public qui imaginait encore l'homme dans le sac !

Habitué à l'opéra pour avoir souvent chanté Ford, à Glyndebourne en 2009, Nantes en 2011 ou encore en février dernier à Athènes, est ici Falstaff et apporte au personnage une réelle bonhomie. Intéressant dans les scènes d'ensemble, il est gonflé d'un costume de chair qu'il perdra au dernier acte, où ses Aïe Aïe normalement liés à de petites piques se rapportent ici à un découpage de sa fausse peau, pour trouver dans son ventre quelques livres, dont les ouvrages de Shakespeare référents à l'histoire. De la première scène des femmes en hauteur, on regrette d'abord le manque de projection de pour Alice Ford, mais la soprano sait ensuite gagner en volume pour offrir un dynamique duo à l'acte II. reste également un peu en retrait en Nannetta à la première scène, mais elle prend elle aussi de l'ampleur pour lancer de longs et purs aigus à chaque reprise de « Luna » face à Fenton, puis proposer un sensible air Sul fil d'un soffio etesio à l'Acte III.

Un peu moins utilisés, les deux autres rôles féminins sont les plus visibles dans le premier quatuor, par la projection et la clarté pour en Meg Page, par la couleur et la voix parfaitement placée pour en Mrs Quickly, encore impeccable à l'Acte II pour surjouer ses « Reverenza » face à Falstaff. Chez les hommes, la distribution est aussi bien faite avec le Ford bien en voix de , touchant dans l'aria È sogno? o realtà et superbement nerveux lorsqu'il cherche l'amant de sa femme. Pour compléter le plateau, le Fenton de Kevin Amiel séduit plus lorsqu'il est face à sa bien-aimée que dans son air, tandis qu'on préfère les burlesques et affectueux Bardolfo de et Pistola de au Dr Caïus un peu nasal de . Le Chœur de l'Opéra de Lille, très bien préparé par , convainc pour sa part autant dans l'énergie du désordre de l'Acte II que dans la mystique et la conclusion de l'acte final, toujours en place malgré la difficulté à s'accorder aux tempi rigoureux de la partition.

En fosse, le matériau symphonique génialement écrit profite de l', intéressant dans la densité de ses cordes et souvent mis en valeur avec ses solistes, notamment le basson solo, le cor anglais et la harpe. Peu habitué à un opéra qu'il vient pourtant de rediriger en mars à Palm Beach, le chef italien cherche tout de suite à vivifier la partition, mais il trouve souvent un volume sonore trop élevé, sans procurer dans les détails toute la finesse qu'on a pu entendre ailleurs dans cet ultime chef-d'œuvre de Verdi.

Crédits photographiques : © Simon Gosselin

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