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La Nuit de Noël de Rimski-Korsakov, une symphonie de fête par Vladimir Jurowski

A Munich, autour de l'admirable Oksana d', chœur et orchestre atteignent un niveau d'exception qu'on ne leur avait pas entendu depuis des années.

Aucun débat possible : en programmant pour les fêtes La Nuit de Noël de Rimsky-Korsakov, l'Opéra de Bavière a réussi son pari. Bien sûr, l'œuvre avait déjà bénéficié d'un retour gagnant avec le spectacle de l'Opéra de Francfort, créé en 2021, repris en 2024, et diffusé en version audio et vidéo chez Naxos. Cela ne diminue en rien les mérites de la production de Munich, et notamment ceux de son maître d'œuvre, le charismatique , qui s'y montre dans son élément.

De là à penser que la faible présence de l'œuvre au répertoire n'est due qu'aux ruses de l'Histoire, il y a un grand pas que nous ne franchirons pas. La faute en est d'abord à Rimski lui-même, non pas le compositeur, mais le librettiste : en adaptant la nouvelle de Gogol, il a voulu donner une grande place aux Koliada, chants de Noël du folklore ukrainien abondamment cités dans la nouvelle. Ces moments sont d'une grande beauté musicale, et ils sont particulièrement mis en valeur par le chœur de l'Opéra de Bavière qui, sous la direction de Christoph Heil, parvient à un niveau qu'on ne lui avait pas connu depuis des années. Mais leur effet dramatique, lui, est désastreux : l'action s'arrête complètement pendant de longues minutes, et on peine à retrouver ensuite de l'intérêt pour une intrigue qui elle-même manque de tension – l'interminable scène où Solokha reçoit successivement ses différents amants (acte II) en est le plus cuisant moment.

La mise en scène uniquement tournée vers le divertissement n'aide pas non plus à croire à cette petite histoire. livre ici un spectacle de série, qui n'a pas grand-chose à dire sur l'œuvre, dans un décor bien triste, et alterne moments façon cabaret et scènes plus intimes où la direction d'acteurs reste stéréotypée. On ne compte plus les collaborations entre Kosky et : sans doute cette routine qui ne gêne pas la musique, qui l'accompagne même avec un réel sens de ses exigences, convient mieux au chef qu'un metteur en scène qui se réinventerait à chaque spectacle.

Ici encore, en effet, la musique a le premier rôle, et Jurowski déploie deux heures et demie durant une splendeur symphonique constante. Certes, l'orchestration luxuriante de Rimski n'en attendait pas moins, mais on peut difficilement résister à un orchestre aussi bien disposé, aussi cohérent, aussi capable de varier le son, et ce d'autant moins que Jurowski n'en fait jamais trop : la splendeur ne tombe jamais dans le clinquant, et l'exigence de progression dramatique n'est jamais sacrifiée pour le simple plaisir d'un effet. Rares sont les chefs qui joignent ainsi toute la profondeur d'un vrai chef symphonique avec une telle expérience du théâtre : cette soirée confirme que c'est lui, aujourd'hui, qui est le principal atout de l'Opéra de Bavière.

Le rôle du forgeron Valouka, rêvant de conquérir le cœur de la belle Oksana, est pour Jurowski une réponse russe aux Stolzing, Sigmund et Siegfried de la modernité allemande ; hélas, Sergei Skorodokhov a plutôt ce soir, au mieux, la voix d'un Jaquino ou d'un Pedrillo, et cette terne présence du héros central ne pèse pas peu sur la représentation. Fort heureusement, la belle Oksana, elle, a bien de quoi faire rêver : après sa toujours enthousiasmante Renarde sur la même scène, elle offre ici un même miracle de naturel et de plénitude musicale – on regrette seulement que le rôle, concentré sur deux airs, ne soit pas encore plus présent. Le reste de la distribution ne dépare pas : outre les brèves apparitions de et , on notera surtout la Solokha d'Ekaterina Sementchuk et le sympathique Diable de Tansel Akzeybek, mais plutôt que des noms individuels c'est la réussite d'ensemble de toute une troupe, dynamisée par la férule de , qui marque dans cette soirée hivernale.

Crédits photographiques © Geoffroy Schied

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