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Double Bill à l’Opéra de Paris avec Ravel et Puccini

Le spectacle Ravel/Puccini que vient de présenter l'Opéra de Paris au Palais Garnier console de bien des ratages vus sur les deux scènes de ce théâtre national.

Ces deux œuvres en un acte, datant du début du siècle dernier, ont en commun leur effet comique. L'une, sur un livret de Franc-Nohain, est située à Tolède au XVIIIe siècle dans une boutique d'horloger, à qui Ravel a donné le nom modeste de « comédie musicale ». L'autre, à Florence au XIIIe siècle, dont le livret a été extrapolé par Giovacchino Forzano d'un vers de « La Divine Comédie » de Dante, fait partie du vaste « Triptyque » de Puccini créé au Metropolitan Opera de New York en 1918. Le metteur en scène a décidé de leur donner une esthétique commune : le style des années cinquante, magnifiquement aidé par deux décoratrices : Caroline Ginet et Florence Evrard. Même si dans les deux œuvres on ne peut s'empêcher de reprocher à une tendance à souligner les effets comiques, ce qui est toujours le signe que l'on ne fait pas confiance à la musique, il faut reconnaître que, pour une fois, il a suivi à la lettre les indications des librettistes, ce qui n'était pas le cas des spectacles précédents mis en scène dans le même théâtre « Platée » et « Ariane à Naxos » et, au Châtelet, « La Belle Hélène ». Pour « L'Heure Espagnole », le décor consiste en un mur entièrement recouvert d'horloges et autres objets aujourd'hui dignes des brocantes, certains s'animant pour souligner des effets dramatiques, un véritable chef-d'œuvre de kitsch des années cinquante, qui délimite la boutique de l'horloger et les appartements de son épouse nymphomane. Même verticalité pour « Gianni Schicchi » avec un mur d'armoires et les toits de Florence en arrière fond. Avec leurs costumes sortis tout droit d'un Pirandello néoréaliste, les personnages de cette famille avide d'héritage nous plongent dans une esthétique provinciale d'après-guerre de la plus belle efficacité.

Les distributions réunies, entièrement française pour « L'Heure » et quasiment totalement italienne pour « Gianni » frisent la perfection. Pour une rare fois à l'Opéra, on n'a pas besoin d'avoir recours au surtitrage chez Ravel pour comprendre les chanteurs. Il est vrai que — truculente Conception qui préfère « les biceps aux concepts » — (Gonzalve) et (Don Inigo Gomez) ses deux amants pitoyables, (Torquemada, son mari absent) et Frank Ferrari (Ramiro, le muletier aux gros biceps) sont de purs produits de notre École de chant. Pour « Gianni » on retrouve Vernhes et Fouchécourt au sein d'une véritable familia florentine avec des personnages fortement typés. (Schicchi),  (Rinuccio) et (Lauretta) sont un trio de choc dans les rôles des gagnants à ce jeu de dupes autour d'un héritage falsifié. C'est l'exemple même de distributions parfaitement bien pensées en fonction des types physiques et vocaux des personnages et non en fonction des aléas des calendriers de stars internationales. , à qui la Sorbonne vient de décerner le titre de docteur honoris causa, à la tête d'un Orchestre de l'Opéra de Paris allégé, somptueux et respectueux de l'équilibre entre la fosse et le plateau, fait grincer tous les ressorts de la comédie de Ravel et tisse la toile puccinienne qui étincelle autour de ce magnifique bijou en un acte. Il semblerait que cette production filmée pour une diffusion ultérieure pour France 2 ferait l'objet d'un DVD dans un futur non précisé.

Crédit photographique : © Eric Mahoudeau

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