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Don Giovanni par la case René Jacobs I

Affluence des grands soirs au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles pour applaudir l'une des explorations mozartiennes de l'icône locale : .

Il y a un an, la même équipe avait offert, dans ces lieux, une version peu convaincante de La Clemenza di Tito (lire ici, la chronique de notre collègue Richard Letawe). Fort heureusement, ce nouveau concert fait renouer le chef gantois avec les grands succès que furent ses Cosí fan Tutte et Nozze di Figaro (disponibles en disque chez Harmonia Mundi). Il faut dire que cette tournée européenne où alternent les versions de Vienne et de Prague, intervient après deux séries de représentations à Innsbruck et au Festspielhaus de Baden-Baden, c'est dire que l'interprétation est rodée !

Quittant pour une fois, sa posture de sémaphore guindé, est particulièrement engagé dans ce concert. Certes, il enclenche parfois, comme à l'acte I, le pilote automatique, mais sa direction est cursive et dynamique. Certaines mises en avant de phrasés ou de traits instrumentaux s'avèrent des mieux venues. Le est au diapason d'une telle vision et livre une prestation précise. Mais avec notre compatriote, l'envie d'en faire trop est souvent présente et le lecteur du programme se régalera d'un entretien avec le maestro. Ainsi, le mélomane apprendra que jusqu'à , toute interprétation de Don Giovanni était « falsifiée » par un esprit du XIXe siècle qui voit en Don Giovanni, le premier opéra romantique.

Fort heureusement, ce soir, Jacobs fait parler la musique plutôt que de faire des discours, et il est aidé par une distribution qui, sans être idéale, s'avère d'un très haut niveau et d'une belle cohésion. Découverte du chef et lancé dans le bain de cette aventure dès les représentations estivales d'Innsbruck, le jeune norvégien possède l'envergure, la souplesse vocale et le charisme du séducteur. Le timbre est séduisant, juvénile, mais il manque encore de personnalité. Déjà apprécié dans ce répertoire, le baryton est le valet parfait tant dans son physique que dans sa maîtrise vocale et stylistique, bien qu'il peine un peu dans le grave. Replaçant Werner Gurä, le ténor est un Don Ottavio magnifique de finesse et de musicalité. On peut lui reprocher un manque de puissance, mais cet excellent chanteur qui ne déçoit jamais mériterait une plus belle place médiatique chez les ténors légers. Puissant mais musical, l'imposant campe un Masetto paysan à souhait. Il en va de même pour l'impressionnant Commendatore de Alessandro Guerzoni. La distribution féminine était dominée par la prestation magnifique d'engagement et de maîtrise technique de l'ancienne lauréate du Concours Reine Elisabeth en Donna Anna. On sera un peu plus réservé sur le chant parfait mais toujours assez monotone d'. Certes, cette chanteuse possède des moyens assez impressionnants, mais il lui manque toujours, le petit plus d'humanité pour rendre justice à ses rôles. Il faut encore saluer la prestation tout en finesse de la toujours exquise en Zerlina. Requis pour cette soirée, le chœur de La Monnaie, en formation réduite, parait enthousiaste mais assez brouillon.

Cette version de concert était rehaussée d'une sorte de mise en scène réglée par les chanteurs. Sincère, ce travail, à défaut d'être d'une grande cohérence, était assez drolatique. Cet aspect étant revendiqué par le chef gantois qui voit dans l'œuvre une sorte « d'opéra bouffe ».

Crédit photographique : © Artefact Artists Management

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