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Sandrine Piau l’égyptienne

Distribué avec art, ce Giulio Cesare in Egitto, donné en concert à la salle Pleyel, démarrait sous les meilleurs augures.

A commencer par le rôle-titre : est un magnifique héros, à la voix éblouissante. Le contre-ténor déploie une palette de nuances qui semble infinie et dévoile un art subtil de la coloration. Plus élégiaque qu'héroïque, on pourra souligner qu'il manque parfois un peu de graves. Sandrine Piau est une Cléopâtre féminine jusqu'au bout des ongles, rôle qu'elle joue totalement, même en concert. Scéniquement parfaite durant toute la représentation, c'est surtout à partir du II qu'elle éclate vocalement. Lydia délurée ou Cléopâtre majestueuse, délicieuse dans le « V'adoro », impériale dans le « Da tempeste », on ne saurait énumérer tous les bonheurs qu'elle offre au public de cette soirée.

Les deux chanteurs dispensent une leçon de chant baroque. L'air virtuose n'est pas qu'un prétexte à briller mais une façon d'exprimer les passions des personnages. Le da capo n'est pas redondant mais va toujours plus loin dans l'expression des sentiments, grâce à une nuance, infime et toujours nouvelle, apportée par rapport à la première partie de l'air. Les metteurs en scène se demandent souvent comment meubler les longs da capos. Avec ces chanteurs, la question ne se pose même pas ; leurs da capos, on aimerait qu'ils ne se finissent jamais.

Le concert est aussi l'occasion d'entendre deux autres très beaux contre-ténors. tout d'abord, dont les affinités avec le répertoire ne sont plus à démontrer, soulignées dans nos colonnes, en Tolomeo ou en Orlando. Sa voix est habilement menée et surtout à même d'exprimer les plus infimes nuances pour composer un Tolomeo détestable et veule à souhait. ensuite, vocalement séduisant et scéniquement très investi, et qui forme un très sympathique couple acolyte / âme damnée avec .

Le « second couple » se situe un cran en-dessous. Malena Erman est un étrange Sesto. Gênée aux deux extrémités de la tessiture, ce qu'elle compense par une technique mixte, son Sesto est finalement touchant par ses fragilités. ne manque ni de dignité ni de chaleur mais reste une Cornelia un peu monochrome. Côté barytons, le jeune Andrew Davies découvre un potentiel prometteur qui n'a pratiquement plus qu'à travailler son accent italien. Quant à , même si l'usure de la voix se fait sentir, il reste un chanteur d'une grande classe et d'un style irréprochable.

On a entendu le Freiburger Barockoster sonner plus mœlleux, ce qu'accentue l'acoustique sèche de la salle. Malgré cela, l'ensemble et son chef continuent de se placer en tête des interprètes de ce répertoire, délivrant avec cet ouvrage des trésors de couleurs et une superbe théâtralité.

Crédit photographique : Antoine Le Grand © Naïve

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