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Les 24 violons du Roi, la flamboyance des couleurs

Grandes Journées Lully du CMBV

Ce n'est pas tous les jours qu'une occasion se présente d'assister à un concert dans la Galerie des Glaces ! Alors se le voir proposer et sur un programme rendant à Versailles, sa musique, celle du règne de Louis XIV dans toute sa splendeur, a forcément provoqué une ruée du public, ne voulant surtout pas manquer une occasion dont on espère qu'elle est le prélude à une collaboration encore plus étroite entre le Château et le Centre de musique baroque de Versailles.

Accueilli par les trompettes et les timbales placées au-dessus de l'escalier Gabriel, c'est de loin que nous avons entendu le château nous annoncer le retour du chantre du règne du Roi Soleil, Lully. Pas de doute, le château sonne et vibre.

Patrick Cohën-Akenine a offert au public, en dehors de toute connaissance technique, la possibilité d'entendre toutes les nuances des 24 violons du Roi, ces instruments reconstitués à l'occasion de l'année Lully, fruit de sa passion et d'une collaboration avec le Cmbv et des luthiers aussi passionnés que lui ( et Giovanna Chitto).

Provoquant ainsi un choc émotionnel puissant, et grâce à un programme harmonieusement bâti autour de l'Orfeo de et des œuvres de jeunesse de Lully (extraites de plusieurs ballets de cours), il a permit à tous, cette redécouverte de sons dont on avait perdu la folle liberté, le soyeux, l'audace, le velours, la vigueur et l'infinie douceur.

Et non seulement ces quintes, hautes-contre, tailles ou basses de violon dévoilent des trésors de diversité sonore, mais cette pâte porte en elle une théâtralité qui explique peut-être en partie, pourquoi en les réunissant avec toutes les autres bandes d'instruments, Lully fit de son orchestre celui qui allait rendre possible l'intérêt du public français pour un nouveau genre, la tragédie-lyrique, le rapprochant ainsi de ce qu'il détestait le plus, l'opéra.

Et l'union des instruments des Folies françoises et des voix a permis au public d'aujourd'hui de se laisser emporter par le plaisir qu'évoquent avec tant de poésie ou de gouaille moqueuse les textes de ces entrées, si bien servis par l'ensemble des interprètes. Si Céline Ricci dès les pleurs d'Orphée (dans l'Orfeo de Rossi), se montre convaincante, tant son timbre est troublant, ses colorations poignantes, peine quelque peu sur le phrasé, mais possède une grande fraicheur dans ses aigus lumineux et de réelles qualités de comédiennes, donnant au duo, entre les deux interprètes féminines du Ballet de la Raillerie, une belle vivacité. Chez les hommes , s'amuse et son plaisir à interpréter Bacchus, donne au vin la séduction des couleurs vives et de l'ivresse. Le beau timbre sombre d' est parfois un peu amoindri par un phrasé perfectible et si sur le premier air de l'Orfeo semble devoir échauffer sa voix, dans la suite du programme son timbre se fait rayonnant.

Cette soirée magique, nous aura fait oublier la sombre réalité du quotidien, redonnant à l'enchantement baroque sa raison d'être, le bonheur de vivre. Créant des espaces et des instants de pure magie, tel le duo entre le violon de au phrasé bouleversant et la fraîche dans l'extrait du Ballet des Muses, ce concert nous aura donc rendu une part essentielle du faste du Roi Soleil. Si toutes les institutions faisaient leur métier avec autant de passion que le Cmbv, par son soutien sans faille aux artistes, l'avenir serait radieux.

Crédit Photographie : Patrick Cohen-Akenine ; le pupitre de quintes de l'orchestre des Vingt-quatre violons du Roi © J. Postel /Cmbv

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