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Lodoïska de Cherubini, une excitante (re)découverte

Encore une merveilleuse (re)découverte à mettre au crédit d'un partenariat avec le . Lodoïska de Cherubini est une œuvre enthousiasmante, qui recèle bien des trésors !

Le livret raconte l'inusable histoire de la pauvre soprano emprisonnée par un abject baryton. Son amant ténor, joli et vaillant, mais pas très futé, se jette de lui-même dans la gueule du loup par excès de bravoure et se laisse enchaîner, rien que pour donner au vilain l'occasion du chantage classique «ton corps contre sa vie». Le couple ne devra son salut qu'à l'intervention miraculeuse d'un sauvage tartare, avec qui le héros avait lié serment d'amitié en moins de trois mesures au début du premier acte. Sur ce livret convenu, mais pas si mal ficelé, Cherubini délivre une partition vraiment étonnante.

Le meilleur est à chercher dans les morceaux purement instrumentaux, à l'orchestration riche. Une ouverture beethovenienne en diable, une quinzaine d'année avant Fidelio, et surtout dans l'acte III une formidable description symphonique de l'attaque et de l'incendie du château. Pour le reste, on entend une influence plus mozartienne que gluckiste, les deux maîtres à penser du moment, en même temps que des tournures très spécifiques de l'opéra-comique. Les ensembles vocaux sont plus nombreux et plus inspirés que les airs solistes, assez banals, en particulier un formidable quintette à boire. L'œuvre prise dans son ensemble dégage un force irrésistible, qui donne très envie de la voir revenir régulièrement au répertoire.

La distribution est un quasi sans faute, et on se prend à rêver, devant ces interprètes si jeunes et si beaux, à une version scénique, d'autant plus que chacun d'entre eux, sans exception, possède une diction irréprochable. Même en l'absence de surtitre, on comprend absolument tout ! Une très petite partie des dialogues parlés a été conservée, afin de maintenir le sens de l'action, et est déclamée avec beaucoup de talent et de conviction par chacun des protagonistes.

Les barytons, en particulier, sont à la fête. , impeccable styliste, formidable diseur, croque son personnage de méchant avec gourmandise, tandis qu' est un serviteur à la fois truculent et subtil, à la Leporello. , tout à fait charmant, au timbre agréable, manque néanmoins de projection, de mordant et de soutien vocal. On aurait aimé un peu plus de vaillance pour ce prince fougueux. Il se fait presque voler la vedette par l'autre ténor, , souverain tartare, à la voix plus puissante et doté d'un rôle rappelant le barytenore rossinien, sur une très large tessiture, nécessitant des graves fermes aussi bien que des aigus éclatants. Mais le clou de la soirée est bien sûr l'éclatante , pourtant pas le mieux doté musicalement. Sa voix ferme, sonore, son éclat, l'élégance de son interprétation balaient tout sur son passage !

Le chœur de chambre Les Éléments fait ce qu'il peut d'une partition qui le met peu en valeur, lui demandant simplement de faire nombre. Trois de ses membres s'en sont détachés, le temps d'incarner les sbires du prince. Le Cercle de l'Harmonie est éblouissant de sûreté, de beauté de son (le cor !) et de précision. On lui reprochera cependant de se laisser enivrer par la qualité de la musique et le charisme de son chef, , et de trop couvrir les chanteurs.

Une soirée d'exception, qui devrait trouver son prolongement dans la sortie d'un CD, sur lequel il faudra se jeter !

Crédit photographique : © Fabien Bardelli

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