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L’Amour des Trois Oranges à Berne, juteuses à souhait

A l'occasion, , directeur de l'opéra de Berne se change en metteur en scène.

On se souvient de sa mise en scène du Wozzek d'Alban Berg en 2008 où, s'il n'avait pas totalement convaincu, démontrait une certaine habileté à diriger un plateau. Avec le conte fantastique de qu'à mis en musique Prokofiev dans L'Amour des trois oranges, le nombre important d'acteurs sur scène et l'inénarrable intrigue, l'approche d'un tel spectacle n'est pas simple. Et pourtant, ne manque pas ce rendez-vous. Outre le soin apporté aux costumes, ne ménageant pas les effets de flammes surgissant du sol, de personnages apparaissant dans un brouillard de fumées, reste parfois trop sage dans l'expression de ce théâtre bouffon. S'il n'a peut-être pas toute l'audace débridée qu'une telle œuvre demande, s'il n'ose pas toute la verve cocasse de cette comédie burlesque, sa mise en scène reste néanmoins plaisante et cohérente. Usant d'un grand tourniquet perçant un rideau semi-circulaire de fond de scène, cet artifice lui permet, dans une belle continuité de lieu, de faire apparaître et disparaître ses personnages dans l'ambiance de la chambre où le Prince hypocondriaque, alité, se morfond. Intelligemment, des éclairages rasant rendent ce même rideau translucide de façon à ce que les chœurs puissent intervenir sans d'inutiles déplacements. Alors qu'on les aurait voulu plus pétillantes, ces Trois Oranges restent juteuses à souhait.

Sur la scène, si la distribution s'avère très homogène, un plus grand vent de folie animant les protagonistes aurait été le bienvenu. Reste que le spectacle est d'excellente tenue et que chacun s'implique à la réussite de cette soirée. Ainsi, la soprano ne ménage pas son énergie pour camper avec brio une Fata Morgana vindicative. De son côté la mezzo (La Princesse Calrice) semble particulièrement à l'aise dans ce registre vocal direct. Si la basse s'empare avec aisance du rôle travesti de La Cuisinière, (Léandre) apparaît moins facile qu'à d'autres occasions. Peut-être un registre trop grave pour son instrument vocal ? Si (Le Roi de Trèfle) impose une belle prestance scénique, peut-être regrettera-t-on que sa projection vocale quelque peu engorgée éteint la compréhension du discours. Dans l'imposant rôle du Prince, le ténor Niclas Œttermann fait preuve d'une belle présence vocale. Dommage, ici encore que le soin qu'il apporte à la théâtralité et à la vocalité de son personnage ne soit pas relayée par une meilleure diction française. Un reproche qu'on peut faire à la quasi totalité des voix masculines à l'exception de Benoît Capt (Farfarello) dont l'articulation française est un véritable modèle du genre. Parmi les rôles féminins, on remarque la très belle voix d' (Ninette) qui, dans le court instant de sa prestation, réussit à imposer un charme exquis.

Dans la fosse, la direction attentive de porte le vers des moments musicaux extrêmes non dénués de couleurs intéressantes. Particulièrement sollicités, les cuivres dominent même si parfois ils se font envahissants, étouffant des cordes qui auraient mérité d'être plus présentes.

Crédit photographique : (Léandre), (le Roi de trèfle) ; (Fata Morgana), (Sméraldine), (Ninette), Niclas Œttermann (le Prince) © Philipp Zinniker

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