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Mary Ellen Nesi, Medea la maléfique

Teseo, œuvre de jeunesse, composée suite à l'échec de son Pastor Fido, Haendel reprend les ingrédients de son Rinaldo (magie, sortilèges, conspiration, monstres et autres furies…) qui avaient fait sa renommée à Londres.

Rarement donné et enregistré de nos jours, il manquait à la collection du Théâtre des Champs-Elysées, qui pour l'occasion a fait appel aux forces des Folies Françoises et de leur chef Patrick Cohën-Akenine. Même si Teseo est le titre de l'opéra, les rôles principaux sont en fait tenus par la magicienne Medea et par sa rivale Agilea, car toutes deux aiment le même homme : Teseo.

Contrairement à l'enregistrement de Marc Minkowski, a pris le parti de conserver une cohérence des genres : les personnages masculins sont tenus par des hommes et les personnages féminins par des femmes, ce simple principe aidant à la clarté et à la meilleure compréhension du livret, surtout quand il s'agit d'une version de concert. C'est ainsi qu'on est surpris d'entendre le contre-ténor dans une tessiture inhabituellement aiguë (le rôle de Teseo avait été créé pour le castrat sopraniste Valeriano), laissant place à certaines notes à la limite de la rupture et révélant parfois un timbre peu valorisant, mais le tour de force reste admirable : sa technique et sa virtuosité impressionnent et vivifient un rôle pas toujours très intéressant.

Car le personnage central c'est bien la maléfique Medea, incarnée par la flamboyante Mary Ellen Nesi, qui fait fulminer sa colère et éclater sa jalousie. C'est à elle qu'Haendel a dévolu les plus beaux récitatifs et airs de la partition, que la mezzo-soprano va magnifier de sa voix chaude et d'une solide technique, réussissant même à se dépasser dans des da capo audacieux et créant des effets saisissants lorsqu'elle fait la rupture avec ses notes graves poitrinées. Sa rivale Agilea, rôle qui aurait pu donner lieu à une interprétation angélique, trouve en la soprano une véritable héroïne. Elle tire son personnage vers le haut en lui conférant, de sa voix souple, claire, dotée d'une virtuosité peu commune (on reste sidéré par l'abattage de ses vocalises), une dimension de véritable tragédienne.

Parmi toutes ces voix aiguës le contre-ténor apporte une couleur plus sombre à la distribution et s'acquitte avec panache du rôle du roi Egeo. Reste le couple de confidents Clizia et Arcane, respectivement interprétés par la soprano portugaise et le contre-ténor français , tous deux brillants dans ces rôles secondaires. Quintans fait des merveilles dans son petit air «Risplendete». Au final, quelques moments forts sont à noter tout particulièrement, comme le duo aux étourdissantes vocalises «Cara, Caro» entre Teseo et Agilea ou bien l'air déchirant d'Agilea «Amarti vorrei» ou encore le terrible «Morirò» de Medea. Mais la réussite de la soirée relève aussi de la direction alerte de et de son orchestre avec notamment de remarquables interventions des hautbois, bassons et autres flûtes.

Alors malgré toutes ces qualités, on se demande pourquoi à l'issue de la soirée on repart avec un goût mitigé… c'est que l'œuvre ne peut s'élever au rang d'une Alcina (récemment donnée in loco)… et qu'elle ne peut, peut- être réellement se révéler, qu'au travers d'une mise en scène peuplée de furies et autres effets visuels contenus dans le livret.

Crédit photographique : © Kostas Mitropoulos

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