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Venise et Vivaldi s’invitent à Versailles

C'est avec faste qu'a débuté le Festival Venise Vivaldi Versailles en proposant la (re)découverte d'une œuvre rarissime : Teuzzone.

En effet, et contrairement à la très ennuyeuse et musicalement décevante Armida de Pleyel la saison passée, Teuzzone relève de la meilleure plume du Prete Rosso, inventif, bigarré et rehaussé d'airs de toute beauté ; inspiré certainement par la cohérence et le sujet politico-amoureux du livret et par le caractère exotique qui plaisait à l'époque (le drame a pour cadre la lointaine Chine). Le personnage principal s'avère être une femme fourbe, manipulatrice, déterminée au caractère bien trempé (proche de l'Agrippina de Haendel) qui use de toutes les ruses pour monter sur le trône au détriment de son beau fils Teuzzone.

Pour l'occasion, on a fait appel au chef catalan et à son Concert des Nations (qui n'en sont pas à leur coup d'essai, on se souvient avec bonheur de leur Farnace) dont le geste sûr et une interprétation orchestrale impeccable ont rendu justice au drame vivaldien. Il faut souligner l'effort qui a été réalisé pour dramatiser et rendre vivant au maximum l'œuvre qui était ici interprétée sans mise en scène (superflue dans ce décor naturel et ce cadre enchanteur de l'Opéra Royal). D'abord, la distribution est presque exclusivement italienne (cinq personnages sur sept). Ensuite, l'espace a été aménagé de façon à valoriser les musiciens placés sur des estrades en gradin  et de sorte à laisser un espace central favorisant le déplacement des chanteurs de part et d'autre de la scène et ainsi la mise en action des récitatifs déclamés entre les personnages. Les airs quant à eux sont chantés au devant de la scène, face au public. Pourtant les chanteurs ont du mal à se libérer de leur partition, limitant les prises de risque et semblant préférer sécuriser l'enregistrement live qui paraîtra en décembre 2011.

dans le rôle de Zelinda campe un personnage au fort caractère grâce à l'âpreté de sa voix, mais les couleurs manquent et les graves sont forcés. Son rival Teuzzone fait une entrée en matière absolument sublime et mémorable dans son arioso « Ove giro il mesto sguardo », le sopraniste y excelle de douceur et de sons filés conférant poésie et émotion. Il reste impressionnant dans les airs plus vigoureux par la projection et la clarté de son chant mais il ne peut masquer ses notes aiguës métalliques. C'est qui prête sa voix à sa douce fiancée Zidiana, son timbre velouté et sombre contraste parfaitement à celle lumineuse de Lopez ; et même si dans certains airs la voix est quasi inaudible, elle se rattrape avec maestria dans un dernier air virtuose plein de panache : « Per lacelarlo ». En tant que général de l'Empire, impose sa voix solide et tendre à la fois ; il charme l'auditoire notamment avec son air au rythme envoûtant « In trono assiso ». Quant au contre-ténor , il s'acquitte passablement de sa partie mais ne fait penser en rien à un capitaine des gardes. La vraie surprise vocale de la soirée, c'est le soprano de , brillant, sonore, doublé d'une trépidante  personnalité, l'interprète s'impose facilement dans un rôle pourtant masculin. L'apothéose est atteinte à l'exécution ébouriffante de virtuosité de son air « Son fra scoglio » à laquelle on pardonnera des vocalises légèrement savonnées.

Enfin même si l'exécution générale n'était pas toujours d'un niveau égal côté chanteurs, et sa troupe nous ont fait vivre passion, tension et émotion au travers d'une musique passionnante qui a déjà trop attendue sa redécouverte.

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