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Mahler haute définition de David Zinman

Voilà donc achevée et regroupée, dans un gros pavé de 15 SACD, l'intégrale des symphonies de Mahler signée par à la tête de son , déjà abondamment commenté dans ces colonnes.

Nous contenterons ici de présenter les nouveautés de ce coffret tout en en faisant une rapide synthèse et nous renvoyons  le lecteur vers les autres articles relatifs aux symphonies déjà publiées ici : n°1 et 2, n°3, n°4, n°5, n°6, n°7, n°8.

Enregistrées respectivement en octobre 2009 et février 2010, les symphonies n°9 et n°10 viennent donc compléter cette intégrale sans réelles surprises tant le style mahlérien du chef s'est largement dévoilé dans les huit premiers opus. Favorisant la précision et la netteté du geste, la pureté instrumentale et la clarté des plans sonores, les contrastes de  dynamique avec de grands écarts entre les ppp et fff (bien plus confortables en SACD qu'en CD), avec peut-être un peu moins de variété sur les nuances intermédiaires,  volontiers brillant mais toujours pudique, semblant fuir tout épanchement ou toute vulgarité au point de refuser parfois à cette musique une partie de son caractère si particulier, Zinman impressionne finalement plus souvent qu'il n'émeut spontanément, se plaçant ainsi dans la lignée de bien des lectures modernes de cette musique, qu'on qualifie souvent d'objectives, par opposition aux versions plus engagées illustrées jadis par un Bernstein ou un Tennstedt récemment réédité. Et du coup, suivant les tempéraments de chacun et suivant aussi les plus ou moins abouties réussites de ces enregistrements, on pourra rester sur le quai ou être emporté, y compris à l'intérieur des différentes séquences d'une même symphonie, ou d'un même mouvement.

C'est ce qui arrive ici avec cette Symphonie n°9 assez lente dans ses mouvements extrêmes au point qu'elle pourrait sembler figée à certains, mais Zinman y met suffisamment de motricité pour que le discours tienne. Paradoxalement on en dira pas autant des deux mouvements médians tant ceux-ci nous semblent trop basiques et manquer de caractère, de tenue, de nerf, bref d'un peu de tout ce qui fait habituellement la réussite de ces mouvements, hormis une honorable réalisation orchestrale, mais là encore on en a entendues des plus impressionnantes. Reste que, globalement, cette Neuvième ne nous semble pas spécialement ressortir dans une riche discographie où elle devrait occuper une place somme toute assez banale.

A contrario, la Symphonie n°10 fait preuve de singularité, Zinman ayant choisi la version complétée par Clinton A. Carpenter justement parce qu'elle est moins connue que celle de Deryck Cooke et qu'il souhaitait offrir au public une autre vision de l'inachevée de Mahler. Cette version, moins littérale orchestration de la partition originale que celle de Cooke, en est plutôt une réinvention, réutilisant au passage des emprunts aux autres symphonies. La démarche ou le résultat sont bien sûr sujets à discussions et polémiques et ce nouvel enregistrement permettra à l'auditeur de se faire sa propre opinion d'autant que chef et orchestre s'y montrent à leur meilleur. Aussi, qui souhaiterait connaître la version Carpenter aurait là le parfait matériel pour le faire.

Enfin, troisième ajout de ce coffret, un DVD documentaire de 80 minutes centré sur la Symphonie n°6 (un, sinon le, sommet de cette intégrale), avec des extraits des répétitions, du concert et de l'enregistrement « studio ». On y voit les musiciens et les techniciens travailler et s'exprimer sur leur métier, leur orchestre, leur chef, mais aussi, et c'est là l'apport majeur de ce document, on y entend le chef détailler longuement sa vision de l'œuvre, passant en revue les quatre mouvements chacun leur tour, parfaite illustration de la conception, très homogène et peut-être un peu rigidement tenue, du chef pour toute cette intégrale.

Notons enfin que le livret prend le temps d'un copieux article de présentation pour chaque symphonie, ce qui en fait un booklet de plus de 80 pages rien qu'en anglais, pagination qui explique peut-être l'absence d'autres langues, donc pas de français à se mettre sous la dent et les textes chantés sont présentés en allemand avec traduction anglaise. Le tout fait donc un gros pavé qui frise ou dépasse les 100€ selon les revendeurs, ce qui réservera peut-être son achat aux amateurs du SACD qui auront sans doute ici la meilleure option musicalement parlant pour une intégrale « haute définition » et dans le style « objectif » elle se défend très bien face aux Boulez, Inbal, Nott (intégrale SACD en cours), etc. Ceux qui préfèrent un style plus subjectif, ou intermédiaire à la Haitink, resteront fidèles à leurs intégrales de prédilection, mais pourraient jeter une oreille aux meilleurs opus de cette intégrale.

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