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A Strasbourg, Mariame Clément dépoussière le Chevalier à la Rose

Pour sa quatrième mise en scène à l'Opéra national du Rhin, Mariame Clément revisite ce monument de l'art lyrique qu'est Der Rosenkavalier de .

Souhaitant le débarrasser des « couches de tradition, de sublime, de respect » qui, selon elle, « créaient presque un mur entre l'opéra et nous », elle a perçu dans cette histoire d'homme âgé désirant épouser une toute jeune fille et trouvant sur sa route l'obstacle d'un jeune homme bien plus au goût de la belle, un canevas typique de la commedia dell'arte.

Or donc, foin des ors et des stucs de la Vienne de Marie-Thérèse ! Avec l'aide de la complice habituelle aux décors et aux costumes, l'éternelle comédie se jouera sur des tréteaux, dans des décors réduits à l'essentiel et devant des rideaux vaporeux de pur théâtre. Seuls les vêtements richement ornés feront référence au XVIIIème siècle. Ce pari de l'extrême épure est brillamment tenu, sans monotonie, animé comme toujours chez Mariame Clément par une direction d'acteurs très précise et imaginative. Mais il se heurte néanmoins à différents obstacles.
En premier lieu, la réduction de l'espace de jeu engendre une confusion certaine lors des scènes de foule aux nombreux intervenants des actes I et III, que Mariame Clément, prisonnière de son dispositif scénique, n'a pu parvenir à ordonner. Ensuite, la finesse du livret et de l'analyse psychologique de , qui fait une grande partie du prix de l'œuvre, disparaît quelque peu dans ce qui finit par ressembler à une énorme farce. L'introduction d'une figurante en Maréchale vieillie, qui ouvre et clôt le spectacle et double la chanteuse lors de sa réflexion nostalgique sur le temps qui passe, font certes de beaux moments de théâtre mais paraissent bien lourdes et appuyées en comparaison de la subtilité du texte et de la musique de . Mais surtout, s'installe tout au long du spectacle la désagréable impression que s'agitent devant nous des pantins stéréotypés et sans âme, manipulés par un Arlequin qui leur fait d'ailleurs danser une pantomime de colin-maillard au début de l'acte III. Bref, il nous semble au final que les options choisies sont réductrices et appauvrissent cette œuvre polysémique, dont de multiples facettes sont ainsi évacuées.

La distribution réunie par l'Opéra du Rhin offre bien des satisfactions. est ainsi une Maréchale de grande classe et noblesse, d'une parfaite intégrité musicale, dont l'aigu un peu contraint au début finit par se libérer somptueusement. offre quant à elle un Quinquin d'exception, rayonnant, tout d'ardeur juvénile, à la voix riche et enveloppante, idéal d'aisance et de crédibilité dans le travesti. Malgré un suraigu au départ un tantinet pointu, réussit elle aussi une bien séduisante Sophie, dont elle construit très subtilement le caractère trempé à cent lieues de l'oie blanche habituelle. La fusion de ces trois voix pourtant contrastées dans le célébrissime trio du troisième acte est ainsi bien le moment sublime attendu. campe un Baron Ochs sans truculence excessive et même toujours digne, aux graves sonores et au jeu efficace sans surcharge. Le reste de la pléthorique distribution ne souffre d'aucun véritable point faible, même si on peut trouver le Faninal de un peu trop vociférant ou la Marianne de quelque peu trémulante.

Après une ouverture qui fait craindre le pire avec ces cordes sèches, ces bois prosaïques et ces cors envahissants, l' se ressaisit et parvient à une sonorité beaucoup plus ronde et chaleureuse, plus viennoise aussi, tout en soignant aux pupitres solistes les richesses de l'orchestration straussienne. Il offre ainsi son meilleur visage à son tout nouveau directeur , dont la direction très vive et rythmée, remarquable de précision dans les ensembles et de soin dans les équilibres, concourt indubitablement à la réussite du spectacle.

Crédits photographiques : © Opéra du Rhin /Alain Kaiser

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