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A Verbier, Rolando Villazón cherche sa voix

L'été des festivals offre souvent l'avantage d'entendre des œuvres que les orchestres programment difficilement dans leurs saisons. Ainsi en est-il de la rare Deuxième Symphonie de .

Composée en 1933, alors que le compositeur allemand séjournait à Paris, elle révèle quelques aspects de cette période trouble du siècle dernier. Sans qu'elle soit dramatiquement aussi noire que les œuvres contemporaines de Chostakovitch, on retrouve ici des climats qui peuvent y être assimilés, comme les intonations militaires de la marche du Largo. A la tête de la formation de chambre du Orchestra, nous emmène dans la musique de faisant découvrir avec finesse et à propos toutes les couleurs d'une œuvre qui petit à petit captive son auditoire.

Mais l'excitation du public pour ce concert réside dans la présence du charismatique ténor mexicain . Précédé de sa réputation, il fait salle pleine. Auréolé d'une carrière aussi intense que brillante, le trop chanter a cependant fini par le rattraper et finalement, d'annulations en annulations, par le rejeter hors des scènes et des théâtres. Sa voix si pleine de soleil, avec ses aigus si lumineux a aujourd'hui perdu de son éclat. A travers Haendel, Monteverdi, le ténor mexicain a tenté de revenir dans la lumière. Sans grand succès. Pas plus qu'à travers l'approche de la mise en scène d'opéra Werther à Lyon

Mais lorsqu'on a été idolâtré, difficile de se résigner. Alors, à quarante ans, le bouillant chanteur reprend son pèlerinage artistique vers la scène en tentant d'apprivoiser le répertoire mozartien. Il cherche sa voix dans un répertoire qu'il n'avait qu'effleuré jusqu'ici. Ainsi, après une série de représentations concertantes du Don Giovanni de Mozart à Baden-Baden, était au Festival de Verbier pour faire partager sa nouvelle démarche musicale. Dès les premiers accents d'Il mio tesoro, force est de constater que le timbre vocal du ténor s'est considérablement assombri. Non pas qu'il soit ainsi malvenu dans l'esprit même du personnage de Don Ottavio, mais on perçoit un Villazón constamment sur le fil du rasoir. Son métier lui permet de faire face, mais les aigus sont arrachés à sa voix, à sa personne, émis dans la souffrance.

Le chanteur est si attachant, si sympathique qu'on en vient à minimiser ses difficultés. Alors que la dernière note de son air s'envole, avant même que le silence (qui est encore de Mozart, selon Sacha Guitry) s'installe, une voix du haut des gradins envoie un « Bravo » sonore. Un cri du cœur, un cri de soulagement soulignant le relâchement de la tension vécue tout au long de l'interprétation. Cette authenticité d'une admiratrice devant son idole avait quelque chose de superbe en même temps que de triste. Superbe de constance vis-à-vis de celui qu'on continue d'admirer et triste face à la réalité.

C'est dans l'air de concert Misero ! O sogno KV 431 que l'on mesure plus encore l'effort que doit accomplir à tous les instants pour ne pas sombrer. Il s'accroche, se bat. Il est admirable. Il joue le personnage enfermé dans cette caverne, attendant la mort ou la délivrance. Un texte de Pietro Métastase symptomatique de ce que le chanteur semble vivre.

Après l'entracte, le Dalla sua pace tiré de Don Giovanni souffre de quelques hésitations vocales qu'on veut imaginer mineures, puis le Va, dal furor portata est interrompu par un bruyant orage s'abattant sur le toit de la tente qui sert de salle aux concerts. Après une attente de quelques dix minutes, Rolando Villazón revient pour chanter à nouveau le Dalla sua pace, cette fois correctement, suivi du Va, dal furor portata tout aussi bien chanté quoique sans être bouleversant. Bien sûr, le chanteur est ovationné, ce qui nous vaut un pétillant Con ossequio, con rispetto KV 210, le ténor rappelle qu'il reste un très bon acteur. Au terme de sa prestation, alors que ses plus fervents admirateurs lui font une ovation que Rolando Villazón reçoit avec émotion, force est de constater que si l'envie reste vivante chez lui, les moyens l'ont cruellement quitté.

Au terme de ce concert, un admirable de précision, dirigé avec une musicalité éclatante, offre une 8e Symphonie de Beethoven chargée de fraîcheur et d'entrain. Une bien belle soirée.

Crédit photographique : Rolando Villazón © Aline Paley/

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