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Balanchine, le chorégraphe qui aimait les femmes

Pour débuter la saison, l'Opéra nous propose une soirée en forme de triptyque, placée sous les auspices de Balanchine. Sérénade, Agon et Le fils prodigue : trois œuvres très différentes à la personnalité bien distincte. Du bon et du moins bon tout au long de cette soirée : retour sur les moments forts de la représentation.

Sérénade se veut porteuse d'une conception de la danse novatrice et dynamique. Or, si l'œuvre s'avère d'un esthétisme « crème chantilly » indéniable, elle manque singulièrement de personnalité : c'est beau, mais on s'ennuie. Heureusement, quelques danseuses parviennent à pimenter ce hors-d'œuvre sirupeux. et dominent l'œuvre. Il y a du piquant et du flamboyant chez ces deux jeunes femmes de caractère. Elles sont magnifiques. Ces petites reines ont le public à leurs pieds. On comprend d'autant moins que la première n'ait pas encore accédé au titre suprême et que la seconde ne soit toujours pas promue Première danseuse.
A l'opéra, la femme balanchinienne est plurielle et c'est tant mieux. Des danseuses très différentes parviennent à tirer leur épingle du jeu durant ces 33 minutes. La douce se montre plus à l'aise que jamais dans ce type de rôle. On notera, au sein du corps de ballet, la lumineuse présence de , et Lucie Fenwick. Chez les garçons, on soulignera la très belle prestation de : beaucoup de maturité, d'aisance, de passion et de sérieux chez ce jeune artiste de 21 ans.

Comment rester soi-même quand on sert de pâte à modeler aux chorégraphes ? possède sans doute la potion magique. Il domine, avec grâce, légèreté et humour le deuxième ballet, Agon. Ce combat dansé, tout à la fois dense et épuré, joue sur un assemblage de mouvements géométriques. se montre également sous son meilleur jour dans ce rôle de badinage avec la partition. On notera cependant que les ensembles de filles sont en-deçà de ceux des garçons : on ressent beaucoup plus de peps et de gouaille chez ces derniers. Même si l'élégant se montre peut-être un peu trop austère pour ce rôle qui demande légèreté et joie de vivre, à l'instar de son confrère .

Le Pas de deux, censé être l'un des moments phares du ballet, rate son effet. La danse de manque de douceur ; certains ports de bras sont secs, voire rugueux. L'ensemble manque de liant et de cette féminité exacerbée dont raffolait Balanchine. Le partenariat avec ne s'avère en outre pas totalement convaincant.

Le Fils Prodigue, inspiré des chorégraphies de Boris Kochno – disciple de Diaghilev –, est l'une des seules œuvres narratives de Balanchine. endosse le rôle du Fils. Ce danseur fin, presque fragile, apparaît assez peu crédible physiquement parlant dans le rôle du héros rebelle et dépravé. Il lui manque ce côté « bad boy » et jeune chien fou pour être réellement convaincant. Il est sage, trop sage, durant la première partie du ballet. Il gagne cependant en puissance dramatique durant la seconde moitié et se montre très émouvant dans les scènes de souffrance et de repentir. interprète la Courtisane. Hautaine et hiératique, elle excelle dans ce rôle de mante religieuse mangeuse d'hommes. On comprend, dès son apparition, que cette ensorceleuse va se jouer du pauvre qui adresse des regards timides et subjugués à cette beauté froide. Les mésaventures de ce rebelle repenti sont plaisantes. On regrettera cependant les décors austères et trop sombres et l'inesthétisme des costumes de Georges Rouault.

Crédits photographiques : (Le Fils Prodigue) ; (Agon) © Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

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