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Médée de Cherubini à Paris, pourquoi tant de haine ?

Oui, pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant de huées, tant de sifflets ?

Ah oui, les dialogues réactualisés par Christian Longchamps contiennent les mots « sperme » et « bordel ». Et puis l'action est actualisée dans un milieu bourgeois décadent. Sans parler de ces images de films des années 50 d'une noce de campagne ou d'une récréation scolaire diffusées en continu ou de cet intermède sur fond de cha-cha-cha italien. ne nous propose rien de décapant mais un propos dramatique logique, continu et assumé. Le public, qui l'a copieusement hué pour partie, est-il à ce point aveugle et sourd ?

Car il faut être sourd pour ne pas huer plateau et fosse. Cherubini est mal aimé en France depuis les horreurs proférées à son propos par Berlioz, avait-on besoin de le massacrer ainsi ? Une telle distribution, dans n'importe quel opéra du sud de la France, aurait provoqué une bronca du public. chante terriblement faux, la voix est hétérogène, les aigus criards, le vibrato envahissant. a bien la voix du rôle, mais le français est une langue trop étrangère pour lui. , on s'en doutait, beugle et n'est pas capable de tenir proprement une ligne de chant. possède des défauts vocaux bien inquiétants pour un début de carrière. Même les seconds rôles laissent à désirer (timbre acide pour Ekaterina Isachenko, absence de projection pour Anne-Fleur Inizan). Seule Varduhi Abrahalyan sait ce que signifient les mots prononciation, projection et timbre.

A l'orchestre, ce n'est pas mieux. Les insertions de dans le répertoire classique et préromantique (Cosi fan tutte à Aix-en-Provence en 2008 par exemple) laissent toujours dubitatif. L'orchestre « hurle », les décalages fusent, aucun moelleux, aucune rondeur dans le son. À se demander si Beethoven et Wagner s'étaient réellement inspirés de Médée… Cherubini s'inscrit dans la tragédie lyrique française renouvelée par Gluck, avec des effets orchestraux dont Berlioz – quoi que ce dernier ait pu écrire – devait se souvenir quelques temps plus tard. Partition charnière entre classicisme et romantisme, la lecture de ne se situe ni dans un sens, ni dans l'autre.

Malgré ce plateau calamiteux, malgré cette direction d'orchestre trop sèche, les huées sont allées à la mise en scène. Dommage, car le propos de Warlikowski est logique. L'actualisation du mythe ? Mais depuis toujours les mythes grecs sont actualisés, y compris en cette fin de XVIIIe siècle par François-Benoît Hoffman, librettiste de l'œuvre. L'insulte taguée en fond de scène ? Les ruines d'Herculanum ou Pompéi en foisonnent. Des dialogues trop crus ? Mais on parle d'une femme désespérée, quasiment érotomane, qui a massacré sa famille pour se marier à Jason et qui continue à massacrer sa famille après sa séparation. Quant à remplacer les parties parlées, c'est un moindre mal par rapport à ce qu'a subit Médée de Chérubini depuis plus de 200 ans (mise en musique ou en récitatif des dialogues, souvent réécrits, et l'ensemble du texte traduit en italien).

Donc non, la Médée de Cherubini par Warlikowski n'est pas à huer. C'est même la seule production parisienne (quoi qu'importée de Bruxelles) tant soit peu excitante depuis le début de la saison. Il faut la refaire avec un orchestre (instruments d'époque ou non, qu'importe) qui joue, un chef qui accompagne et un plateau qui chante. Finalement, avec , seul le – pourtant peu habitué à la scène – était à sauver musicalement ce soir.

Crédit photographique : © Vincent Pontet-WikiSpectacle

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