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Exceptionnels Troyens à Marseille !

L'opéra de Marseille, capitale européenne de la culture 2013, a frappé très fort en donnant ces Troyens comme point final de sa saison, qui plus est, dans une distribution presque entièrement hexagonale, et qui donne fort à espérer du renouveau de l'école du chant français ! Que de voix admirables, de diction châtiée étaient réunies ce soir du 12 juillet, pour rendre hommage à !

Entendons-nous bien. La perfection n'étant pas de ce monde, il y aura quelques réserves dans les lignes qui suivent. Ce sont des points négatifs mineurs, à l'aune de la qualité de la représentation.

Le vainqueur à l'applaudimètre est bien évidemment , pour sa prise de rôle. On a plusieurs fois exprimé violemment notre dépit dans ces colonnes quand l'illustre ténor s'est fourvoyé dans des répertoires qui ne lui convenaient pas. On est alors d'autant plus heureuse d'écrire qu'il est le plus beau des Enée jamais entendu. Il ajoute aux prestations de ses prédécesseurs un timbre magnifique, des aigus solaires, une touche d'italianité qui lui permet une expression supérieure des sentiments, et une appréhension gourmande de la partition. Si parfois, quelques problèmes rythmiques ou solfégiques se font entendre, nul doute qu'il saura corriger ces petits défauts pour la soirée suivante et pour sa prestation dans le même rôle, à Berlin, en 2014.

se situe sur les mêmes sommets, et pourtant, on a beaucoup souffert pour elle. Bien qu'aucune annonce n'ait été faite, elle était visiblement enrhumée, et c'était un vrai calvaire de la surprendre à tousser et avaler des pastilles discrètement, ainsi que de voir sa petite mine déconfite. Mais elle a eu tort de se faire du souci, car cette légère méforme ne s'est pas entendue, sauf peut-être en terme de puissance. En Didon, elle a renouvelé sa magnifique prestation à Strasbourg en 2006, incroyable d'émotion, de pudeur et de grâce. Un peu moins à l'aise en Cassandre, personnage plus déclamatoire, du fait de sa diction toujours un peu molle, il faut néanmoins saluer en plus de son interprétation, la prestation athlétique d'une présence scénique quasi-constante pendant prêt de cinq heures !

Des seconds rôles, on retiendra en premier lieu les interprétations phénoménales de et . La mezzo-soprano est radieuse, sa voix ronde et pleine, au point de faire parfois de l'ombre à . La basse est impressionnante d'autorité et de puissance, avec une palette de coloris qui peut aller jusqu'à un murmure parfaitement timbré. Le duo Anna/Narbal était ainsi un des meilleurs moments de la soirée. et assurent dans des rôles épisodiques qui ne donnent pas la mesure de leur talent. , qu'on aime tant d'habitude, est une légère déception en Chorèbe. Sa voix est toujours aussi belle, mais il semble peu concerné, et manque de longueur de ligne.

Le choix du seul élément étranger de la distribution, l'américain , est une énigme. Il ne démérite pas, mais son timbre métallique n'est pas particulièrement agréable dans les chansons élégiaques de Iopas et Hylas. Sans chauvinisme aucun, simplement pour le plaisir d'imaginer une distribution entièrement franco-française, il semble que de nombreux ténors hexagonaux auraient fait au moins aussi bien, et quand on apprend en outre que Stanislas de Barbeyrac sera invité plusieurs fois à l'Opéra de Marseille la saison prochaine, la perplexité est à son comble !

Malgré les cinq heures de spectacle, quelques coupures ont été opérées dans la partition : entrées des constructeurs, des matelots, des laboureurs, pas des Almées, danse des esclaves… tous les morceaux uniquement orchestraux, en somme. C'est un moindre mal, car si on suit avec passion les énormes progrès faits par les chœurs et l'orchestre de l'Opéra de Marseille et que l'on apprécie grandement leur prestation engagée sous la baguette de , ils ne sont pas – encore ? – au niveau des prestigieuses phalanges qu'on a eu l'habitude d'entendre, dans cette œuvre, au disque.

Au moment d'envoyer ce compte-rendu à la mise en ligne, on apprend que , lors de la deuxième représentation, a essuyé quelques huées, après avoir tenté des aigus en falsetto mal venus, et s'être perdu dans la partition lors du quatrième acte. Il aurait alors adopté un comportement très cavalier lors des saluts, qui a amplifié les sifflets. Quelle tristesse !

Crédit photographique : © Christian DRESSE

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