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Ninetta, Lucia et Lisetta, trois héroïnes tragi-comiques à Pesaro

Trois « petits » opéras de Rossini présentés par le Festival de Pesaro.

Porté par la poésie de cette première mise en scène du jeune pour le Rossini Opera Festival en 1994, l' Inganno felice, (décor et costumes de Richard Hudson, lumières de ) transcende les limites d'une histoire invraisemblable. Cette farce en un acte, opéra comique, drame joyeux, l'un des trois écrit par Rossini en 1812 et son premier grand succès, ne cherchait qu'à distraire le public : la vertu et l'honnêteté sont reconnues, le méchant puni, et le public de 2015 enchanté, tout comme celui  de l'époque !

Pendant l'ouverture, le public assiste au travail d'une mine. Une paroi opaque bloque la vision de la scène, ne laissant qu'une fente à travers laquelle on peut apercevoir un paysage pierreux, gris blanc, ponctué d'herbes jaunes, comme si les spectateurs observaient l'action cachés au fond d'une grotte. Allées et venues de jambes marchant derrière une brouette, bras maniant un pelle, un homme accroupi lavant des cailloux… À gauche et au fond s'étale une mer d'un bleu idéal, qu'un petit navire traversera lentement, au fil de l'action, de gauche à droite, lumières allumées lorsque tombera la nuit, à la fin.

Comme toujours au Rof, le casting réunit des artistes expérimentés et de nouveaux talents : le chef d'orchestre russe Denis Vlasenko, à la tête de l'Orchestre Symphonique G. Rossini, vient de l'Accademia Rossiniana, comme le premier rôle féminin , lauréate du dernier concours Operalia, et tous les autres membres de la brillante distribution (, , – extraordinaire âme noire d'Armide l'an dernier – et Giulio Mastrototaro).

Toute autre était la Gazza Ladra (la Pie voleuse) de , déjà présentée au Rossini Opera Festival en 2007. Difficile d'accepter le parti pris de la pie en jeune fille qui rêve dans un lit d'enfant trop réaliste (oreiller et couette blancs) pendant l'ouverture, et les gros tuyaux blancs qui se transforment au fil du spectacle en architecture abstraite que les chanteurs escaladent, en colonnes, en cellules, et même en canons ! La mise en scène fatigue par ses trop nombreux poncifs : longs manteaux noirs des policiers (nazis), ballets de dames villageoises qui manient des balais…

, jeune soprano géorgienne glamour, est impressionnante par sa maîtrise du langage rossinien dans le rôle de Ninetta, Lena Balkina est un charmant Pippo, est émouvante en Lucia, est un Fabrizio Vingradito tendre et faible, et René Barbera, Giannetto, a une belle couleur de voix, fraîche et souple. a maintenu l'orchestre, tout au long du très long spectacle, dans une légèreté fluide, et la gracieuse danseuse indienne Sandhya Nagaraja n'est en rien responsable de l'inutilité de sa présence. Le fait que la scène ait été, sans aucune justification, arrosée d'une pluie inutile au second acte, obligeant les chanteurs à patauger par la suite, n'a fait qu'alourdir encore le tout.

La Gazetta est une histoire complicatissima, un opéra-comique écrit à Naples, imbroglio créé par deux filles qui réussissent après moult intrigues à épouser l'élu de leur cœur, damnant le pion à leurs pères. Le décor, réduit à un podium de défilé de couture, met en valeur les costumes féminins, tout en nuances de gris, de Maria Filippi, qui s'est inspirée des robes de grand couturier des années cinquante.

On connaît l'ouverture, que Rossini a intégralement reprise pour la Cenerentola. pousse l'orchestre sur un rythme un peu rapide mais les chanteurs suivent et l'ensemble est enlevé, comme il se doit dans la mode. Aucune voix extraordinaire mais la gaieté ne se dément pas tout au long du spectacle, très bouffe, très napolitain (la lecture des surtitres en a surpris plus d'un), bien que se passant à Paris. La vedette incontestée du spectacle était le Don Pomponio de , basso-buffo parfait, dont l'autorité vocale et dramatique ont conquis le public.

Les grandes voix, cette année, étaient dans les événements off, comme la Messa di gloria avec et Juan Diego Florez, ou le récital d'. Le Rossini Opera Festival s'est terminé le 22 août à 20h30 avec un Stabat Mater, dirigé au Teatro Rossini par , visible aussi sur grand écran Piazza del Popolo, dans le centre de Pesaro.

La prochaine édition est déjà programmée, avec un nouveau directeur artistique, Ernesto Palacio, lui-même ténor et agent, entre autres de Juan Diego Flores, qui aura la rude tâche de remplacer , qui dirigeait le Festival depuis sa fondation en 1980.

Crédits photographiques : © DR – ROF

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