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À Genève, Manon révèle un merveilleux Chevalier des Grieux

Avec la mise en scène qu'en proposait le metteur en scène , Manon de devait faire l'évènement de l'ouverture de saison du Grand Théâtre de Genève. Apportant son bagage de provocations, les facéties du metteur en scène français font chou-blanc, le public ne s'en offusquant plus. Elles sont balayées par la musique et l'admirable prestation de en Chevalier des Grieux.

Dans une récente interview, déclarait que le sexe, l'amour et la mort étaient les fondements de l'existence. Avec cette Manon, une fois de plus, il se sert de l'œuvre pour y plaquer ses propres fantasmes. Sa Manon est une fille facile, une prostituée. Et de jeter à la face du public une conception scénique empreinte de violences et de sexe. Ainsi, dès la première scène, alors que Manon, jeune fille de seize ans, en route pour le couvent, en est à « son premier voyage », son cousin Lescaut la jette dans un bordel. L'avenir de la jeune fille bascule. Nous sommes bien loin de l'idée même de Massenet et de son librettiste qui, eux, favorisent l'ambiguïté d'un personnage tiraillé entre la vie facile et l'Amour.

Moins transgressif que dans ses précédentes mises en scène, avec ses maisons aux façades noires, ses enseignes d'hôtels au néon, ses costumes criards, ses scènes de sexe dans de la boue, ses personnages grotesques, un roi de comédie tournant son postérieur nu face au public, n'offre qu'un copier/coller des Contes d'Hoffmann, de Lulu ou de Carmen. Des clichés et du déjà-vu qui finalement deviennent lassants.

Ne restent alors que la puissance de la musique et du texte. Lorsqu' Olivier Py laisse la poésie de Massenet s'exprimer, il convainc. Ainsi, quand Manon enserrant dans ses bras une boule réfléchissante brillant de mille étoiles en chantant « Adieu, notre petite table », on rêve avec elle. Ou quand des Grieux chante « Ah ! fuyez, douce image », seul debout devant la projection d'une improbable planète, l'image est saisissante de lyrisme. Plaisirs de courte durée puisque Olivier Py ne peut s'empêcher de parasiter ces ambiances avec des personnages excessifs, telles ces ombres chinoises dansant lascivement derrière le prêtre avant de s'avancer, nus comme des vers, de monter sur une table pour en redescendre soudain et disparaître enfin en fond de scène. Quand donc Olivier Py se contentera-t-il de l'essentiel ?

Si un seul souvenir de cette production devait persister, ce serait sans doute l'admirable interprétation du ténor suisse (Chevalier des Grieux). Avec une voix héroïque d'une beauté solaire, des aigus resplendissant, une diction impeccable, il incarne la passion amoureuse à la perfection. Laissant éclater son tempérament artistique sans retenue, il sent ce rôle comme sien et le sublime magnifiquement. Déjà irrésistible dans le rêve de Manon « En fermant les yeux… », s'empare de la scène dès le milieu du troisième acte pour submerger l'espace de l'émotion authentique de cet amour auquel il ne peut résister. Même affublé d'une robe (pourquoi ?), son chant est si beau qu'il fait oublier son accoutrement ridicule.

A ses côtés, la soprano (Manon) épousant le parti pris de mise en scène émotionnellement distant offre cependant de beaux moments de musique notamment avec une descente d'escaliers théâtralement très réussie tout en chantant un glorieux « Je marche sur tous les chemins ».

Vocalement, cette production s'avère d'un très bon niveau (particulièrement dans le choix de chanteurs dominant –pour la majeure partie- l'idiome du français) avec un sonore (Lescaut), un pétillant (Gillot de Morfontaine), un très honnête (Monsieur de Brétigny) et un sculptural (Le Comte des Grieux) dont certains accents de la voix ne sont pas sans rappeler le grand Boris Christoff. Noyées dans la masse des figurantes, Seraina Perrenoud (Poussette), Mary Feminear (Javotte) et Marina Viotti (Rosette) manquent malheureusement de caractérisation. Le Chœur du Grand Théâtre excellent, comme à son habitude.

Dans la fosse, le chef slovène soulève avec un bel entrain (quoique parfois avec excès) un en excellente forme.

Crédit photographique : © Carole Parodi

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