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Messe de Minuit avant l’heure par Dominique Visse à l’église Saint-Roch

Beauté du lieu, beauté d'une musique festive et joyeuse : à la direction du et de l', porte l'Oratorio de Noël et la Messe de Minuit de Charpentier avec esprit et justesse à l'église Saint-Roch.

Pour , la diversité et le contraste étaient la substantifique moelle d'une bonne musique. C'est donc portée par une savante combinaison du liturgique et du profane, de l'art profane et de l'écriture savante de polyphonies vocales, que se tisse la toile de fond des deux œuvres présentées ce soir par l' et le dans cette vaste bâtisse parisienne qu'est l'église Saint-Roch, faisant écho à l'imposant édifice musical qui débute ce concert.

Il faut croire que cette église, classée aux Monuments historiques, avec une façade baroque dans la tradition dite « jésuite » et gratifiée d'une architecture équilibrée créant une sensation palpable de sérénité en son sein, a été conçue pour faire triompher cette musique de Charpentier, lui aussi maître de musique dans les collèges jésuites. Avec son oratorio In nativitatem Domini canticum, le compositeur présente une construction bipartite parfaite dont les parties se complètent tels l'Ancien et le Nouveau Testament, bipartisme musicalement accentué par un sombre do mineur précédent un do majeur éclatant. Mais s'en étonner serait trop vite oublier que ce concert se déroule au sein de « la paroisse des artistes », où le baroque triomphe grâce à une acoustique idéale, et malgré les klaxons de parisiens grincheux qui se mêlent aux premières notes de la soirée, sans toutefois déstabiliser ni , ni le . Les étonnantes juxtapositions, dans ce genre de musique dont Charpentier fut le précurseur (l'année dernière à cette même période, Versailles avait proposé ses Histoires sacrées), sont amenées avec ferveur : entre La Nuit sublimement évoquée dans une symphonie pour cordes pianissimi, et Le Réveil des Bergers, véritable fanfare pour un éveil tonitruant, le Café Zimmermann excelle (formidable virtuosité de la ligne du traverso de , investi autant dans ses silences, que dans ses splendides interventions champêtres). Cette disparité de couleurs est pleinement assumée par un chef qui durant toute sa carrière musicale, n'a eu peur ni de l'éclectisme, ni de la différence. C'est ce soir crâne rasé, paré d'une étonnante (et élégante !) veste trois-quart de style ethnique, mais toujours avec une boucle d'oreille rock'n'roll, que le musicien se présente à nous.

Dans la même veine, par sa direction nette et incisive, semble avoir décelé avec subtilité l'esprit de cette Messe de Minuit, construite sur des noëls populaires, à destination d'un public rural plutôt qu'aux fastes de la capitale. Une simplicité sans artifice, tendrement bucolique comme l'œuvre qui l'a précédée, une couleur sonore empreinte de clarté et de fraîcheur, ainsi que le naturel des thèmes dont elle s'inspire, sont l'aboutissement des tempi enlevés du chef, d'enchaînements habilement amenés ou de pauses adroitement pondérées (sans aucun intermède à l'orgue), et de contrastes francs et dynamiques. Pour encore plus marquer cet assortiment musical, le chef choisit une orchestration constamment renouvelée : des tutti brillants comme pour le Credo, aux six voix avec luth et deux violoncelles pour le noël À Minuit fut fait un réveil (l'audace d'un choriste imitant en fin de phrase l'agneau de la bergerie fait rire joyeusement la salle). Dans les deux œuvres, les solistes interviennent sans mise en avant particulière, alors que l'individualisation de nombreux choristes ponctue régulièrement la performance. Mais même si la distinction entre choristes et solistes se dilue, les voix de haute-contre de , de ténor de et de basse de font preuve d'une belle rondeur et d'un agréable investissement.

Chaleureux, le public réclame un bis. C'est ainsi un réjouissant Minuit chrétien d' qui nous accompagne pour cette fin d'année. La joie et la luminosité de cet incontournable de Noël jaillissent de la direction de Dominique Visse, pour que cette messe de minuit avant l'heure nous prépare à d'heureuses festivités.

Crédits photographiques : Dominique Visse © Emiko Bellocq

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