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George Benjamin à l’Opéra de Lyon, entre amour et violence

S'orientant sur le tard vers l'opéra, le compositeur britannique démontre encore par ces Lessons in Love and violence récemment parues en DVD, que le genre peut évoluer dans le monde de la musique contemporaine avec facilité.

Parce qu'en effet, la partition atonale du compositeur est bien pourvue en lyrisme, comme en énergie dramatique et rythme théâtral. Sur un livret inspiré de plusieurs sources dont Edouard II de Marlowe, concis avec une durée d'une heure et demie environ, les sept scènes de ces deux parties, reliées chacune d'un interlude orchestral, déroulent une sorte de longue conversation lyrique et mélodique ponctuée d'éclats de voix où l'organe de chaque interprète y est sublimement mis en valeur. C'est certainement les raisons qui font de cet ouvrage une œuvre accessible à tous, son succès s'accroissant grâce aux différentes étapes où cette production est jouée : d'abord à Londres, Amsterdam et Hambourg, puis Chicago et l'Espagne après Lyon.

Colères, amours bruts et passionnels ou sentiments convenus et raisonnés, entre richesse, famine et ruine, tout cela saupoudré d'une pincée de complots et de manipulation : l'intégralité des forces d'un ouvrage lyrique sont ici bien présentes, n'ayant aucune peur à peindre autant les caractères que les affects de chacun de ses personnages. Cette complexité est parfaitement lisible car constamment empreinte d'une véritable humanité.

Les ambitions de pouvoir, la cruauté des paroles et des actes, les tromperies et les ambiguïtés ont ici des conséquences funestes. les matérialise avec finesse dans cet intérieur privé régulièrement ouvert au public. La chambre royale, ornée d'objets ostentatoires de richesse et d'œuvres d'art, d'un aquarium démesuré et d'une couronne d'un autre temps sous cloche, tourne à 360 degrés et passe de la luxure à la dégradation. Tout dans la direction d'acteurs est tournée vers la musique et le théâtre : la connexion entre chaque protagoniste et leurs déplacements, comme le jeu sur le rythme et le temps, favorisent l'agressivité des passages hétérophoniques comme les effets suspensifs de la musique de , avec des ralentis de mouvements des corps.

Comme évoqué plus haut, c'est une musique composée pour la voix, indéniablement. Dans ce fabuleux écrin, excelle avec une intensité vibrante et une belle profondeur, déchiré par la stature qu'il doit préserver et son aveuglement sentimental. La technique de la soprano impressionne plus d'une fois. La conduite de la ligne ne manque ni d'envergure ni d'inspirations, entre des aigus tranchants et des accents dynamiques, son personnage sombre se perdant entre l'alcool et une surconsommation de cigarettes. , d'une efficacité implacable, est machiavélique à souhait dans le rôle de Mortimer, alors que détient les parties vocales les plus lyriques qu'il assume avec envergure dans la peau de l'amant du roi Gaveston. L'impuissance du fils du roi se diffuse avec justesse à travers le timbre clair de . Toujours à ses côtés, sa sœur, quoique muette, déploie une expressivité manifeste grâce au jeu exemplaire d'Ocean Barrington-Cook.

C'est une salle debout qui salue la minutieuse lecture du chef à la tête de l'Orchestre de l'Opéra national de Lyon. La fosse réussit à mettre en exergue la richesse des couleurs et des plans sonores de la partition orchestrale dans un investissement constant et une expressivité fusionnelle avec le plateau. « Follow me » peut-on lire derrière le chef parmi tant d'autres panneaux à messages, tandis qu'il avait démarré la soirée en brandissant à son orchestre un « GO » inscrit sur un autre panneau. Les Lyonnais ont compris le message !

Crédits photographiques : © Stofleth

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