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Beczała et Radvanovsky ravivent Luisa Miller au Liceu

Dernière production de la saison au Liceu, Luisa Miller permet le retour du duo Beczała-Radvanovsky, après leur magistrale prestation dans Tosca en février dernier à Vienne.

I Masnadieri repris à La Scala le mois dernier, après Giovanna D'Arco en 2015, permettait d'entendre cette saison le plus rare opéra de Verdi sur un livret d'après un drame de Schiller. Des quatre, Don Carlo est évidemment le plus représenté, suivi loin derrière par Luisa Miller, composé d'après Kabale und Liebe. Sa création à Naples en 1849, juste avant les débuts de la Trilogie Populaire, fait découvrir un style neuf, plus affirmé et plus lyrique, même si l'histoire d'amour confuse ne trouve jamais la force de celle de La Traviata ou Rigoletto écrits juste après.

Comme à son habitude, le Teatro del Liceu alterne deux distributions à intervalle d'un jour pendant deux semaines, l'une faite de grands noms de la scène internationale, l'autre de chanteurs principalement espagnols. Nous n'avons malheureusement pu couvrir que la première, dont l'attrait essentiel réside sans équivoque dans le couple principal. impressionne à chacune de ses prestations et tout particulièrement dans le répertoire italien, et s'il débute ici l'acte I avec quelques tensions, la voix s'aère ensuite pour une prestation de référence, avec un « Quando le sere al placido » tellement applaudi qu'un bis aurait été d'usage. Au timbre solaire s'ajoute un legato toujours aussi agile et une ferveur de tous les instants, même lorsque les notes prises par le bas créent quelque dureté aux attaques. Si le ténor retrouve la soprano avec laquelle il a pris le rôle de Cavaradossi en février, cette fois pour porter celui de Rodolfo débuté en 2018 au Met, ne découvre pas son personnage de Luisa Miller, bien qu'elle ne l'ait abordé qu'une fois il y a bientôt vingt ans, en 2001 à New-York. La flamme de la soprano s'accorde à celle du ténor, supérieure à tous en puissance dans les ensembles et splendide lors de ses deux arias.

Du reste de la distribution se démarque le baryton-basse , noir à souhait par les graves les plus impactant du plateau. Il donne de l'importance au personnage de Wurm, plus complexe grâce au jeu d'acteur du chanteur que par la dramaturgie proposée par la mise en scène. campe un Comte Walter bien en chair, meilleur dans le grave et le médium plein que le Miller de Michael Chioldi. Ce rôle d'abord prévu pour Leo Nucci perd en ampleur par le manque de couleur et le chant quelque peu monocorde du baryton. On regrette au passage que n'ait pas été utilisé pour remplacer l'Italien l'artiste du second casting, le passionnant Juan Jesús Rodríguez découvert en France dans les grands rôles verdiens grâce à l'Opéra de Marseille. J'Nai Bridges complète l'ensemble par une Federica altière et Gemma Coma-Alabert avec une Laura légère et agréable de timbre.

n'atteint jamais le niveau d'exception des deux artistes lyriques principaux, malgré un orchestre flatteur dans ses parties solistes. Lourde et vulgaire à l'ouverture, sa direction met ensuite souvent en danger le plateau sans jamais le maîtriser, à tel point que la plupart des chanteurs remercient aux saluts le souffleur dans son trou, auquel Radvanovsky offre même le bouquet qu'on vient de lui donner. À ce manque de tenue et de lyrisme et à l'absence de proposition orchestrale, la scène répond de manière déceptive par une production de importée de Zurich. L'artiste passionné par le temps qui passe ne fait ici rien des doubles enfants de ses deux principaux protagonistes, et se perd dans un livret sans grand intérêt, sans réussir à créer une véritable dualité entre un monde noble et un autre plus austère, décrits par les décors pourtant de belles factures de . L'inversion des valeurs par le haut ou les côtés ainsi que la tournette ne fonctionnent pas plus que les pans de plateau inclinés vers le centre pour créer des parois par la suite. Seuls quelques effets, à l'images des vidéos de précipités bleus lors de la prise du poison, parviennent véritablement à concentrer l'attention sur la scène. Le chœur pourtant dynamique et chaud n'est même pas bien utilisé, son arrivée juste avant les coups de feu alors qu'il est censé être alerté par eux force même à rire, et si rien ne dérange autant qu'en fosse, rien n'attire jamais autant que le chant.

Crédits photographiques : © A. Boffil

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