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Le Parsifal d’Uwe Eric Laufenberg sur la colline sacrée

Emmené de main de maître par entouré d'une distribution de premier ordre, le Parsifal de Uwe Eric Laufenberg, qui investit la scène du Festspielhaus de Bayreuth pour la quatrième année, creuse la question épineuse du religieux dans l'idéologie wagnérienne.

« Festival scénique sacré » titre Wagner pour son dernier ouvrage lyrique, conçu en fonction des possibilités musicales du Festspielhaus qui sera durant trente ans le seul lieu – le temple – de sa représentation. Avec Parsifal, Wagner veut jeter les bases d'une religion de l'art capable de régénérer un christianisme qu'il voit proche de la décadence. C'est la situation dans laquelle se trouvent les chevaliers du Graal à Montsalvat où Titurel, grabataire, ne veut pas mourir tandis que son fils Anfortas, blessé par la lance de Klingsor, est condamné à expier sa faute dans la souffrance. Il refuse de célébrer le Graal, gage de vitalité pour la compagnie des chevaliers. Dans une interprétation qui, certes, bouscule un rien la légende mais fonctionne de bout en bout, Laufenberg s'empare de l'image christique d'Amfortas et de celle de la croix, un symbole fort dans la mise en scène, qui va traverser les trois actes de Parsifal. Dans ce lieu improbable où vit une communauté de chrétiens qui accueille les sans-abris (acte I), la religion semble menacée. Circulent au milieu de l'assemblée des soldats armés, une femme en burqa (Kundry)…, autant de signes et symboles véhiculés durant tout le spectacle. Les femmes en burqa dans le II (un harem tenu par Klingsor) cèdent la place aux filles-fleurs (toutes dénudées et scintillantes) qui tentent de séduire Parsifal tandis que Klingsor, dominant la scène, apparaît sur un fond de christ en croix de toutes les tailles et les espèces, dénonçant le fétichisme voire le fanatisme religieux du personnage. La croix salvatrice, c'est celle que Parsifal le pur a fabriquée en brisant la lance de Klingsor à la fin du II. Ni Graal, ni chevaliers dans l'acte III mais une nature qui a envahi les lieux et au sein de laquelle la communauté, embrassant semble-t-il toutes les religions, va célébrer la régénérescence du monde dans une grande fête panthéiste emmenée par Parsifal. À deux reprises, durant les sublimes interludes que l'on aurait aimé écouter pour eux-mêmes, la vidéo de Gérard Naziri, pas toujours en phase avec le temps wagnérien, nous plonge dans l'infini du cosmos.

Côté musical, on est d'emblée séduit par le son de l'orchestre, le juste tempo du Prélude et l'exact équilibre qui s'instaure avec les voix, épousant chaque élan dramatique avec une souplesse et un sens aigu des nuances. Ainsi porté, le long récit de Gurnemanz est d'une beauté saisissante, à la faveur de la basse généreuse de et la tenue impeccable de son chant durant les trois actes. On est impressionné par la voix autant que le physique (dûment exposé) du baryton-basse /Amfortas dont l'ampleur et le timbre en imposent. Celui de l'Australien /Klingsor ne démérite pas, avec une touche de noirceur en sus pour camper l'esprit du mal. La basse de dans les quelques répliques de Titurel campe au mieux ce personnage au bord de la tombe. Le rôle de Kundry est à plusieurs facettes. Plutôt effacée dans le I, révèle les potentialités de son soprano dramatique – voix longue et ductile – dans la scène de séduction avec Parsifal, là où, scéniquement, elle est la plus convaincante. Dans le rôle titre, fait valoir lui-aussi durant l'acte II l'envergure dramatique d'une voix au timbre lumineux et d'une clarté d'élocution idéale. Le chant des filles-fleurs reste un moment de pure séduction sonore, si ce n'est d'enchantement (le contexte scénique n'y est guère favorable) tandis que les chœurs préparés par Eberhard Friedrich contribuent dignement à la dimension cérémonielle de ce « Festival scénique sacré ».

Crédits photograhiques : © Enrico Nawrath  

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