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Cendrillon de Massenet se conforme à la tradition à Nancy

Respectant à la lettre l'esprit de Noël, l'Opéra national de Lorraine offre avec Cendrillon de Massenet un spectacle susceptible de charmer petits et grands.

Quoi de plus évident pour ce faire qu'un conte aussi populaire que celui de Charles Perrault ? La version qu'en a donnée en 1899 offre le double avantage d'être bien plus rare que La Cenerentola de Rossini et d'être en français, accessible à tous. Moins débridée et plus poétique que sa devancière italienne, elle est ainsi plus proche du conte original et exhale un parfum suranné propre à rassembler les générations.

Le metteur en scène l'aborde avec un respect et une fidélité absolus. La seule entorse à la règle qu'il s'autorise est de clochardiser la marraine Fée et sa troupe de lutins et sylphes en SDF vêtus de rebut et trimballant leur maigre patrimoine dans des caddies. Pourquoi ? Mystère… Après l'hommage rendu au XVIIIe siècle de Stanislas Leszcynski avec Armide de Lully, c'est cette fois l'Art Nouveau — dont Nancy fut une des capitales à l'époque de la création de l'opéra de Massenet — qui l'a inspiré. L'astucieux décor à transformations de Paul Zoller nous transporte avec fluidité de la façade à l'intérieur du palais de Madame de La Haltière, du palais royal au chêne des fées (Acte III, second tableau), où sa scission en deux parties permet aux amoureux de s'entendre sans se voir comme l'exige le livret.

Pour un tel type d'œuvre, la psychologie des personnages est très anecdotique ; ce sont des archétypes. les caractérise avec précision, sans caricature mais aussi sans grande distanciation humoristique. La narration est linéaire et parfaitement lisible. La féerie inhérente au genre est aussi bien présente dans les costumes soigneusement différenciés d'Axel Aust, dans les vidéos très « Walt Disney » réalisées aussi par Paul Zoller et dans les éclairages colorés de Fabrice Kebour. Un spectacle soigné et sage, qui ne surprendra personne et devrait convenir à tous.

Diction d'une extrême clarté, timbre limpide et empreint d'une once de nostalgie, aigus filés, incarne une Cendrillon toute de douceur et de résignation, fraîche et fort touchante. Dans le rôle du Prince charmant, est épatante tant en adolescent ronchon et mal dans sa peau qu'en amoureux ardent. Sa voix riche, colorée et d'une parfaite homogénéité des registres se marie idéalement à celle de Cendrillon. ne fait qu'une bouchée du rôle payant de Madame de La Haltière, avec un registre grave énorme mais sans jamais forcer le trait ni verser dans l'outrance. endosse avec une profonde humanité le rôle de Pandolfe qui s'accommode bien de ses moyens vocaux. assure avec aplomb les coloratures stratosphériques du rôle de la Fée ; quel dommage qu'elle soit reléguée à l'arrière du décor, en fond de plateau, pour sa grande scène de l'Acte III, ce qui nuit évidemment à sa projection ! et sont impeccables, drôles et vocalement bien contrastées pour les deux chipies de demi-sœurs. Toute la distribution des rôles dits secondaires est d'ailleurs bien appariée et toujours percutante.

Grand admirateur de Massenet, dont il a dirigé à Nancy un mémorable Werther, en soigne la finesse, suivi par un Orchestre de l'Opéra national de Lorraine convaincu et qui ose transparences et subtilités. Le Chœur de l'Opéra national de Lorraine est souvent réduit à quelques membres, dont la mise en avant ne nuit nullement à la qualité, tout au contraire. « On a fait de son mieux pour vous faire envoler par les beaux pays bleus » ; telle est la conclusion de cet opéra. À en croire ses applaudissements nourris, le public nancéen s'est bien laissé conduire au royaume magique des rêves enfantins.

Crédit photographique : (le Prince charmant),  (Cendrillon) /  (Dorothée), (Cendrillon), (Noémie), (Mme de la Haltière) © Jean-Louis Fernandez pour l'Opéra national de Lorraine

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