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L’émouvante Walkyrie de Nina Stemme à Londres

Captée live au ROH de Covent Garden dans la mise en scène de et dirigée par Sir , cette Walkyrie mémorable et exemplaire, vaut surtout par sa distribution vocale exceptionnelle.

La mise en scène des drames de n'est pas chose aisée, donnant lieu à des lectures diverses, depuis les plus épurées jusqu'aux plus grotesques… Wagnérien reconnu, choisit ici de relever le défi avec intelligence, refusant de se fourvoyer dans une quelconque de ces outrances. En homme de théâtre aguerri, c'est sur le jeu d'acteur et la psyché des personnages (magnifiés par les gros plans de la caméra) qu'il construit son propos pour renforcer, tout à la fois, l'impact émotionnel de la dramaturgie et la symbiose étroite entre verbe et musique. La scénographie, assez sobre, se décline dans les tons de rouge et de noir. Elle est constituée d'un décor unique à l'acte I et II figurant une bibliothèque dévastée qui annonce la destruction prochaine du Walhalla, laissant place au III à un grand mur gris devant lequel les Walkyries entreprendront leur danse guerrière, sauvage et barbare, toutes de noir vêtues, brandissant des cranes de chevaux sur une musique apocalyptique, avant qu'en pivotant, le mur ne s'ouvre sur le bûcher, symbolisé par une gigantesque spirale de flamme (anneau de feu) circonscrivant la scène, au centre de laquelle Brünnhilde s'endormira après les déchirants adieux de Wotan. C'est une scénographie sombre, aux éclairages blafards, qui installe dès les premiers instants une ambiance glauque et quelque peu malsaine, volontiers teintée de violence et de bestialité, où Warner explore de façon très « chirurgicale » les différentes facettes des personnages et des situations (inceste très présent) s'éloignant quelque peu de la pensée feuerbachienne dans une vision assez archétypale, et de ce fait, facilement accessible. La direction d'acteurs est irréprochable, recueillant une adhésion complice de tous les chanteurs qui se doublent, ici, de remarquables comédiens, jusque dans les plus intimes mimiques. Une vidéo pas trop envahissante achève de caractériser une mise en scène, placée, comme la musique, au service des chanteurs.

Dans la fosse, après un orage inaugural manquant un peu d'énergie, apporte aux mots le poids des notes dans une interprétation assez théâtralisée, parfaitement équilibrée, toute en nuances et couleurs, très narrative, suivant au plus près la dramaturgie et l'exploration psychologique des personnages entreprise par . La phalange londonienne confirme son haut niveau d'excellence par sa réactivité et ses performances solistiques sans faille (cordes graves et vents).

Mais le point fort de cette production reste assurément la distribution vocale exceptionnelle, réunissant la fine fleur du chant wagnérien actuel. Si confirme être actuellement un Sigmund incontournable par son timbre lumineux, par la souplesse de son chant, par son legato, sa puissance et son souffle donnant lieu à des « Wälse » d'une infinie longueur, face à lui la Sieglinde d' compense, en sur jouant outrancièrement, une certaine rigidité vocale. Parfaitement convaincant en revanche, le Wotan de impressionne par la complexité et la vulnérabilité de son personnage superbement rendu aussi bien sur le plan vocal que sur le plan scénique : à la fois bestial et torturé, il donne à ses adieux une dimension d'une rare intensité, dans le forte comme dans le murmure, face à la superbe Brünnhilde de . La soprano suédoise dont on ne sait qu'admirer le plus de l'engagement scénique ou de la performance vocale, reste la pièce maîtresse de cette production, intégrant assurément le panthéon des grandes Brünnhilde historiques. , en bourgeoise déchue engoncée dans une robe rouge pesante, campe une Fricka plus vraie que nature, mordante et intraitable, tandis qu' crève l'écran en Hunding par sa stature imposante, noire et sarcastique, renforcée encore par la profondeur de son timbre.

Un DVD de référence, incontournable !

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