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Le retour d’Hamlet à l’Opéra-Comique

Avec cette reprise de l'ancienne mouture de 2018, l'Opéra-comique remet à l'affiche Hamlet d' : une production qui vaut surtout par l'acuité et l'intelligence de la mise en scène de Cyril Teste comme par l'homogénéité de la distribution dominée par .

Un des intérêts de la reprise d'une production est d'autoriser un jugement plus lucide et plus objectif, à distance du dithyrambe de la première. Aussi disons-le tout net : en dehors du plaisir de la redécouverte – puisque longtemps oublié, objet d'une renaissance tardive dans les années 2000 au Châtelet avec Nathalie Dessay et Thomas Hampson – Hamlet d' n'est pas un grand opéra. La musique comporte de nombreuses lourdeurs et des « trous d'air », et la partition est très exigeante pour les chanteurs qui se trouvent souvent un peu esseulés sans soutien orchestral face à une prosodie délicate. Le livret, au fil des différentes réécritures, a perdu quant à lui beaucoup de sa force dramatique. Trois éléments qui aboutissent à une œuvre manquant globalement de tension et de continuité. On retient tout de même de beaux moments comme l'apparition du spectre, la scène de la folie ou celle de la noyade d'Ophélie, particulièrement poétique et émouvante, ici chaleureusement ovationnée par le public.

Et la musique dans cela ? Force est de reconnaitre qu'en dehors d'un anecdotique solo de saxophone, d'un solo de trombone, d'un quintette pour clarinette et cordes et d'une mélodie suédoise préexistante à l'acte IV, le génie mélodique d' n'éblouit pas ! Dans ces conditions fait ce qu'il peut avec ce qu'il a, sans démériter malgré le manque d'ampleur sonore des instruments d'époque (et un cor solo qui met du temps à se chauffer…). Aussi apprécie-t-on son louable engagement à faire sonner l'Orchestre des Champs-Élysées prenant à son compte une large part de la dramaturgie.

L'ensemble est heureusement sauvé par la mise en scène très réussie de . Oscillant en permanence entre théâtre et cinéma, le metteur en scène brouille les cartes avec un bonheur certain : rappels du festival de Cannes avec flashes de photographes de presse, tapis rouge, défilé de stars ; utilisation particulièrement judicieuse de la vidéo qui permet une exploration psychologique approfondie des personnages au travers des gros plans (parfois trop appuyés), travelling en temps réel, effacement du quatrième mur ; utilisation du théâtre dans le théâtre avec une mise en abyme théâtrale bien rendue dans Le Meurtre de Gonzague à l'acte II ; élargissement et dynamisation de l'espace scénique, spatialisation de la musique, précision de la direction d'acteurs, beaux costumes d'Isabelle Deffin évoluant au sein d'une scénographie épurée magnifiquement éclairée par les lumières de Julien Boizard.

La distribution vocale, sensiblement la même qu'en 2018, fait montre d'une belle homogénéité. On admire la performance d'acteur de dans le rôle-titre, ainsi que sa facilité vocale à passer du cri (Ô vin dissipe ma tristesse) au murmure (Être ou ne pas être) en fonction de ses états d'âme, mais on regrette parfois une certaine raideur de la ligne et un timbre quelque peu nasillard. On admire sans conteste la prestation scénique et vocale de en Ophélie toute de grâce, de charme, de délicatesse et de subtilité, donnant sa pleine mesure dans l'acte IV avec un émouvant « A vos jeux mes amis… » et une scène de la folie merveilleusement ciselée de lumineuses vocalises. (Gertrude) impressionne quant à elle par ses capacités d'actrice, notamment dans son affrontement avec Hamlet au III (Ma douleur est immense) comme par l'intensité et la droiture de son chant assumant sans défaillance les grands sauts d'octave. (Claudius) donne son meilleur baryton dans son monologue du III conduit mezzo voce. Le Laërte de séduit par la souplesse de son chant, tandis que la basse profonde de donne au Spectre toute l'autorité et l'effroi nécessaires. (Horatio), (Marcellus) et Nicolas Legoux (Polonius) complètent harmonieusement cette belle distribution, sans oublier le Chœur Les Éléments excellemment préparé par Joël Suhubiette.

Crédit photographique : © Vincent Pontet

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