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Jenůfa au Capitole de Toulouse : deux femmes d’exception

La reprise de la production toulousaine de Jenůfa présentée en 2004 sous le regard du metteur en scène , trouve étonnamment son apothéose dans toutes les forces musicales intégrées à la dernière minute.

Angela Denoke dans le rôle de La Sacristine, Cheryl Studer dans celui de la grand-mère Buryjovka, dans le rôle de la femme du Maire : voilà le trio star annoncé pour faire venir les spectateurs à cette reprise d'un opéra en langue tchèque, moins attractif probablement que les grands classiques ayant composé les premiers temps de la saison toulousaine tels qu'une Flûte enchantée ou une Carmen. Des trois sopranos, seule subsiste, celle-ci arborant un rôle trop court pour que son intervention soit véritablement notable.

L'exploit est encore plus marquant quand on sait que a appris le rôle de la Sacristine quelques jours avant seulement le début des répétitions, cette performance est donc bel et bien une prise de rôle pour la soprano. Que ce soit la langue ou la psychologie musicale particulièrement fournie et complexe du personnage, rien ne fait obstacle au rayonnement dramatique d'une forte d'une cruelle autorité. Hypocrite, un peu sorcière, menteuse puis meurtrière rongée par le remords pour devenir une pénitente empreinte de tendresse, la soprano détient une force de caractère et une humanité touchante par ses aspérités, dignes du réalisme tant souhaité par le compositeur. L'ampleur de sa projection, sa diction soignée, et la souveraineté de son chant composent cette prise de rôle étonnante qui prend copieusement l'espace par rapport au rôle-titre.

Malgré l'aura de celle-ci, sublime une Jenůfa torturée et meurtrie. Seule détentrice du seul véritable « air », la soprano s'agite face à ses interrogations angoissées, bouleversante tant son chant est profond et puissant à la fois, malgré les désillusions et les révélations auxquelles elle doit faire face. La fragilité se mêle à la force pour une compassion sans réserve.

Favorisés par deux solos remarquablement caractérisés, la tendresse violente de Laca () et l'ébriété légère de Števa () sont parfois écrasées par l'orchestre alors que le Chœur du Capitole agrémente la soirée d'une touche folklorique avec vigueur et précision même si ne reprend, que ce soit pour la scène des recrues à l'acte I ou la scène des noces au troisième acte, que les paroles des chansons moraves en les gratifiant de sa propre musique dans le style populaire.


Alors que la fosse paraît disproportionnée par rapport aux voix masculines au premier acte, la baguette de permet ensuite à l'Orchestre national du Capitole de déployer un lyrisme tendre lors du monologue de Jenůfa au deuxième acte, tout autant qu'une richesse de timbres orchestraux tout au long de la soirée. Les rythmes obstinés, symboles de la marche du temps, sont matérialisés par le moulin impressionnant en fond de scène, la noirceur des tableaux étant réhaussée par ce décor minéral majestueux.

Crédits photographiques : © Mirco Magliocca

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