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Un Chevalier à la Rose haut en couleurs au Théâtre des Champs-Élysées

Cette nouvelle production du Chevalier à la Rose de au TCE, dont la dernière version scénique date de 1989, bénéficie de la mise en scène virtuose de et de la prise de rôle très attendue de en Maréchale.

 

Connu pour ses mises en scène volontiers provocatrices, subversives, ambiguës et souvent sexualisées, Warlikowski trouve dans Le Chevalier à la Rose un terrain d'élection à sa mesure lui permettant d'exploiter toutes les facettes du livret de Hofmannsthal (comédie burlesque, désir et réflexion douce-amère sur le temps qui passe…), rehaussées de thèmes très actuels (transsexualité, homosexualité, respect de la différence, inégalité sociale, racisme, domination masculine, misogynie et harcèlement sexuel…) dans une mise en abyme virtuose et haute en couleurs. L'action, qui ne peut échapper aux fragrances déliquescentes de la Vienne du XIXe-XXe siècle, soulignées par les  valses et l' Apocalypse joyeuse, est transposée, avec brio, dans notre monde contemporain : la scénographie de Malgorzata Szczesniak, épurée et très réussie sur le plan esthétique, reproduit, dans un clin d'œil à Gabriel Astruc, le décor du Studio des Champs-Élysées, mitoyen du théâtre et celui de la « Maison de verre », chef d'œuvre architectural de Pierre Chareau, sise rue Saint-Guillaume avec, bien sûr, l'iconique lavabo du metteur en scène polonais ! La direction d'acteurs est dynamique et précise, les costumes superbes, bariolés et complètement déjantés, tandis que la vidéo, pleine d'à-propos, ainsi que quelques rappels cinématographiques, s'insèrent tout naturellement dans le déroulé narratif du livret, dans une synchronisation parfaite avec le plateau. Chorégraphies et éclairages sont à l'avenant qui complètent cette lecture totalement convaincante d'une parfaite lisibilité menée avec rythme et maestria, collant au plus près au livret.

Dans la fosse, la virtuosité est aussi de mise avec un « National » qui brille de tous ses pupitres particulièrement sollicités dans leurs capacités techniques et expressives sous la baguette fougueuse et pertinente de , garant d'un équilibre souverain avec les chanteurs. On admire l'Ouverture pleine de couleurs et de sensualité, tout comme les trois introductions orchestrales débutant chacun des trois actes, ainsi que les nombreuses performances solistiques chargées de renforcer la dramaturgie, notamment les cuivres dans la farce, cordes et bois dans les épanchements lyriques empreints d'une prégnante nostalgie.

La distribution vocale, homogène ne souffre aucun reproche, à commencer par qui, pour sa prise de rôle campe une Maréchale convaincante vocalement et scéniquement, héritière de la Comtesse des Noces de Figaro, noble et mélancolique, puis in fine résignée, au timbre lumineux, à la large projection et au vibrato peu gênant. Pour sa prise de rôle également, , remplaçante de Marina Viotti dans le rôle travesti d'Octavian, image en creux de Chérubin, fait valoir une tessiture large, véritable « Hosenrolle » fougueux et passionné, aux graves moelleux et aux aigus délicatement âpres. est une Sophie pleine de fraicheur, au timbre cristallin. , habitué du rôle, incarne un Baron Ochs inénarrable théâtralement par sa rusticité et sa grossièreté, sorte d'hybride entre Falstaff et Monsieur de Pourceaugnac. Jean-Sébastien Bou est un Faninal puissant et bien chantant qui manque un rien de nuances théâtrales. Eleonore Pancrazi (Annina) et (Valzacchi) participent de la comédie en couple de journalistes people, à l'instar de , en sous-vêtement, qui nous gratifie, en chanteur italien, d'un virtuose, parodique et hilarant « Di rigori armato il seno ». Parmi les rôles secondaires, tous bien chantant, on retiendra la belle Marianne de Laurène Paterno, le notaire de , en majordome et en aubergiste, sans oublier l'impeccable et la participant tous de la réussite de cette nouvelle production, hélas objet d'une violente et inexplicable bronca au moment des saluts, visant à l'évidence le travail de Krzyzstof Warlikowski ! Dommage et finalement sans importance car, là aussi, le temps fera son œuvre… Gageons que cette production trouvera tout le succès qu'elle mérite.

Crédits photographiques : © Vincent Pontet

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