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Une rentrée festive avec Santtu-Matias Rouvali et le « Philhar »

Dans un programme particulièrement ardu et éclectique, convoquant Chostakovitch, Hersant et Saint Saëns, et l' font de ce concert de rentrée une fête orchestrale.

À commencer par l'Ouverture de fête de , une œuvre de circonstance composée en 1954 pour le 37e anniversaire de la Révolution d'Octobre, dont et le Philhar donnent une lecture éblouissante, quoique grevée d'une certaine monumentalité, alliant puissance et lyrisme, recrutant tous les pupitres et notamment les cuivres dans d'imposantes fanfares greffées sur un phrasé virevoltant. Cette courte pièce permet d'emblée d'apprécier la cohésion de l'orchestre malgré l'alacrité rythmique, ainsi que la direction magistrale du chef finlandais, portée par une gestique qui a appris à se discipliner pour devenir économe, élégante, précise et très lisible avec une main gauche notoirement efficace et expressive. Pour l'anecdote, on affirme que lors de sa formation à la direction d'orchestre, son maître Jorma Panula l'obligeait à diriger debout sur une caisse de bière afin d'endiguer ses gesticulations intempestives !

Rarement donné, le Concerto pour violon n° 2 de Chostakovitch assure tout naturellement la suite du concert. Il fut créé en 1967 à Moscou par David Oïstrakh à l'occasion du soixantième anniversaire du violoniste. en livre une interprétation très intériorisée, lyrique plus que désespérée, faisant de ce concerto une longue complainte déchirante au phrasé assez lisse, soutenue par la direction très complice et équilibrée de Rouvali, s'opposant point par point à certaines lectures russes, plus âpres, chaotiques et tendues. Entamé par les sonorités graves de l'orchestre (cordes et cor), dans un climat méditatif, le Moderato met rapidement en place un dialogue serré entre la petite harmonie (basson) et le soliste dont on peut gouter la souplesse du jeu et l'admirable sonorité du Stradivarius Willemotte de 1734, sur un phrasé au rythme envoûtant scandé par la caisse claire, auquel succède une courte cadence introspective et lancinante, jouée sur 2 cordes, refusant toute virtuosité démonstrative. L'Adagio, nostalgique, développe ensuite un climat lugubre et sombre (violoncelles, altos et contrebasses) qui met en avant le superbe legato du soliste, bientôt rejoint par une émouvante cantilène du cor d'Antoine Dreyfuss et les traits rutilants de la flute (Mathilde Caldérini), avant que le Finale ne retrouve réunis soliste et orchestre dans une péroraison récapitulative et virtuose, grinçante et sarcastique, portée par une dynamique dansante et tumultueuse. En « bis » un extrait de la Partita n° 3 de Bach achève dans un climat plus apaisé la première partie.

Apaisement et spiritualité sont la marque d'une seconde partie qui commence par deux œuvres de jouées enchaînées : In diebus notis (création mondiale) dédiée à qui la dirige, et Psaume 121 (2013) extrait des Vêpres de la Vierge Marie, toutes deux pour chœur mixte, orgue et cuivres. Ce sont deux œuvres différentes, à la fois même et autre, puisque la nouvelle création est conçue comme une introduction au psaume dans un véritable diptyque dont les deux facettes se trouvent unies dans la même ferveur du . On admire ici la clarté de la polyphonie, la beauté mélodique, l'impeccable diction et le syncrétisme étroit entre voix et instruments (orgue tenu par , deux trompettes en coulisses et deux trombones sur le plateau).

De l'audace enfin, comme en souhaitait le compositeur avec la Symphonie n° 3 avec orgue de , créée à Londres en 1886 et dédiée à Liszt, dont offre une vision bouleversante, d'une perfection formelle toute apollinienne, éblouissante de clarté et d'intelligence. Elle se décline en quatre mouvements joués enchaînés deux à deux. L'Adagio introductif, qui sollicite cordes, hautbois, basson et cor anglais, cite de façon assez allusive un fragment du Dies Irae qui parcourra de façon récurrente l'ensemble de la symphonie, avant de laisser rapidement place à un Allegro riche en couleurs dont on savoure la clarté de la mise en place, la transparence de texture, ainsi que la souplesse du phrasé et l'équilibre entre les pupitres. Entamé par l'orgue, le Poco Adagio déroule une ample mélodie méditative, d'une éloquente gravité, tendue, où l'on est séduit par le legato des cordes comme par la rutilance et la rondeur des cuivres (cor et trombone). Dans un saisissant contraste, après une courte pause, le Scherzo très rythmique est vigoureusement scandé par les attaques de cordes tourbillonnantes dont on loue la cohésion et la précision, tandis que le piano fait son apparition sur d'impétueuses gammes. Débutant par un puissant accord, l'orgue prélude à un Finale grandiose réunissant des cordes divisées dans une élégante polyphonie, un piano véhément, une petite harmonie et des cuivres flamboyants, mais bien contenus, tous réunis dans une coda festive, véritable cavalcade orchestrale dont l'éclatante maestria résume à elle seule ce très beau concert.

Crédit photographique : © Marco Borggreve / Alpha Classics

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