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Avalanche de musique française !

Sous le titre générique Un siècle en France, Sony nous propose une série de coffrets «monographiques», dédiée à quelques uns des grands compositeurs français de la fin du XIXe et du XXe siècles (Camille Saint-Saëns, , Olivier Messiaen ou Henri Dutilleux) ainsi qu'un coffret «patchwork» intitulé Escales symphoniques. Ces compilations (en majorité des rééditions RCA) nous donnent à entendre des orchestres de prestige ainsi que des chefs et des solistes de très grand renom. Petit (tout petit) bémol, les notices, très rudimentaires, auraient mérité plus de détails… Mais avec des coffrets à très petits prix, Un siècle en France est une vraie porte ouverte sur la découverte ou la redécouverte de grandes pages de la musique française.

On trouve de tout dans ce coffret dédié à Camille Saint-Saëns ! A commencer par quelques raretés qui, après écoute minutieuse… ont bien fait de rester des raretés. Ce n'est pas un scoop, Saint-Saëns, adepte quasi intégriste de «l'Art pour l'Art», refusa tout au long de sa vie d'intégrer à sa musique les harmonies nouvelles des Fauré, Chausson et autres Debussy… dont certains furent pourtant ses élèves ! On s'en rend pleinement compte à l'écoute du Concerto pour violoncelle n°2, du poème symphonique La Muse et le Poète ainsi que de la Romance pour violoncelle et orchestre : dans ces entrelacs d'un académisme terrifiant, les interprètes, (le violoncelliste Steven Isserlis, le violoniste Joshua Bell et le chef ), semblent s'ennuyer ferme ! A côté d'un Carnaval des animaux pas assez «chambriste», on découvre un bijou de l'art «Pompier» : la Marche militaire française, issu de la Suite algérienne op. 60. Dans ce coffret on retiendra bien sûr l'interprétation de dans les Concertos pour piano et orchestre, dont l'enregistrement dirigé par Michel Plasson reste l'une des références solides de ces pages. Un seul vrai rayon de soleil dans ces cinq CD, le Concerto pour violon et orchestre n°3 : l'archet magique de Zino Francescatti et la baguette de Dimitri Mitropoulos n'y sont pas pour rien !

(1875-1937) : Pavane pour une infante défunte, pour piano (1) ; A la manière de… (2) ; Sonatine (3) ; Miroirs (4) ; Ma mère l'oye, pour piano (5) ; Etude en forme de habañera (6) ; Jeux d'eau (7) ; Gaspard de la nuit, trois poèmes pour piano d'après Aloysius Bertrand (8) ; Le Tombeau de Couperin, pour piano (9) ; Valses nobles et sentimentales, pour piano (10) ; Prélude (11) ; Menuet sur le nom de Haydn (12) ; Shéhérazade, ouverture de Féerie (13) ; Rhapsodie espagnole (14) ; Valses nobles et sentimentales, pour orchestre (15) ; Ma mère l'oye, ballet pour orchestre (16) ; Fanfare pour «L'éventail de Jeanne» (17) ; Alborada del gracioso (18) ; Le tombeau de Couperin, pour orchestre (19) ; Concerto pour piano pour la main gauche (20) ; Pavane pour une infante défunte, pour orchestre (21) ; Une barque sur l'océan (22) ; Boléro (23) ; Concerto pour piano et orchestre en sol majeur (24) ; Tzigane (25) ; Quatuor pour cordes en fa majeur (26) ; Deux chansons hébraïques, version pour violoncelle et orchestre (27). , piano (1 à 12, 20, 24) ; Dennis Lee, piano (4, 5) ; Harold Gombert, hautbois (19) ; Laurent Korcia, violon (25) ; Sonia Wieder-Atherton, violoncelle (27) ; Juilliard string quartet (26) ; New York Philharmonic Orchestra (13, 15, 16, 17, 19, 2, 23) et The Cleveland Orchestra (14, 18, 20, 21), direction :  ; The Philadelphia Orchestra, direction : Eugene Ormandy (24) ; Sinfonia Varsovia, direction : Janos Fürst (27). 1 coffret de 5 CD Sony 88697 486792. Code-barre : 886974867920. Notice en français. Dates d'enregistrements non précisées. Durée totale non précisée.

Avec les interprétations des œuvres proposées dans le coffret consacré à , le niveau monte d'un cran. On trouve sur cette compilation diverses pages dans leur version pour piano ainsi que dans leur version orchestrale : Ma mère l'oye, Le tombeau de Couperin, les Valses nobles et sentimentales. Pour la partie piano seul, nous retrouvons  : il se sort habilement de cette partition «piégeuse» que sont les Miroirs. Avec le pianiste Dennis Lee, il nous offre une Etude en forme de habañera insolente et malicieuse. Laurent Korcia et Georges Pludermacher s'enflamment dans une version de Tzigane époustouflante !

Mais le «clou» de ce coffret réside dans les interprétations de  : certes, ses enregistrements sont bien connus, mais comme à chaque écoute des travaux de notre chef analytique préféré, on reste bouche bée ! Valses nobles et sentimentales, Tombeau de Couperin, Pavane pour une infante défunte ou Boléro : on voudrait tout citer ! Boulez saisit avec une intelligence teintée de poésie les transparences harmoniques de Ravel, ses méandres mélodiques, ses timbres, sa violence parfois… L'apothéose restant sans aucun doute le final de Ma mère l'oye, «Le jardin féerique». Il faut noter que le chef français avait sous sa baguette deux formations mythiques, le New York Philharmonic Orchestra et le Cleveland Orchestra !

Olivier Messiaen (1908-1992) : Turangalîla Symphonie (1) ; Vingt regards sur l'Enfant Jésus (2) ; Quatuor pour la Fin du Temps (3). Yvonne Loriod, piano (1) ; , piano (2) ; Jeanne Loriod, ondes Martenot (1) ; Ensemble Incanto (3) ; Toronto Symphony Orchestra, direction : Seiji Ozawa (1). 1 coffret de 4 CD Sony 88697 486802. Code-barre : 886974868026. Notice en français. Dates d'enregistrements non précisées. Durée totale non précisée.

Dans le coffret d'hommage à Olivier Messiaen, on trouve aussi un formidable florilège d'interprétations. Pour une partition empreinte de mysticisme et de gravité, comme les Vingt regards sur l'Enfant Jésus, on est assez surpris de voir tant de versions disponibles ! Roger Muraro a mis la barre très haut, voici quelques années, dans cette partition comme dans toute l'œuvre de Messiaen. Et la ré-écoute de l'enregistrement de ne fait que le confirmer… Certes on lui trouve bien des qualités face à la difficulté de la partition, à la profondeur du propos. Mais il manque à Serkin la folie transcendante du «Roi Roger». L'ensemble Incanto nous livre un Quatuor pour la Fin du Temps de toute beauté, funèbre, intense, implacable. Mais ici encore vous attend une flamboyante version d'une des pages fondatrices de la musique symphonique du XXe siècle, la Turangalîla Symphonie, celle de Seiji Ozawa. On ne redira jamais assez à quel point Ozawa sut trouver l'équilibre parfait entre les tonitruances héritées de Stravinsky et de Copland et le mix pagano-chrétien qui surgit à chaque instant aux détours de cette «partition fleuve».

Henri Dutilleux (né en 1916) : Symphonie n°2 «Le double» ; Métaboles ; The shadows of time ; Symphonie n°1 ; Tout un monde lointain, concerto pour violoncelle (1) ; Timbre, espace, mouvement ou «La nuit étoilée» ; L'arbre des songes (2) ; La Géole ; Sonnets de Jean Cassou (3) ; Mystère de l'instant (4). Jean-Guilhen Queyras, violoncelle (1) ; Olivier Charlier, violon (2) ; François Le Roux, baryton (3) ; Ildiko Vèkony, cymbalum (4). Orchestre National Bordeaux Aquitaine, direction : Hans Graf. 1 coffret de 3 CD Sony 88697 486852. Code-barre : 886974868521. Notice en français. Dates d'enregistrements non précisées. Durée totale non précisée.

L'œuvre d'Henri Dutilleux n'est faite que de timbres, d'espace, de mouvements… Apologue des transparences obscures, rêveur affûté aux sonorités mixtes, immense ordonnateur des timbres, Dutilleux est un compositeur particulièrement complexe à interpréter. Trop d'analyse tue l'énergie de ses pages ; trop de globalité étouffe l'incessant fourmillement sonore de ce magicien. Et le coffret qui lui est dédié nous laisse un peu sur notre faim. Certes l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine fut une bonne formation… Mais n'est-ce pas là l'héritage d'Alain Lombard ? Hans Graf dirige l'ensemble des pages présentes dans cette compilation… à sa manière. Et l'on ne peut s'empêcher de se remémorer d'autres enregistrements, tout particulièrement pour The shadows of time ou Tout un monde lointain ! Il manque ici la flamme, la dimension supplémentaire qui illumine les œuvres.

Escales symphoniques. (1892-1974) : La création du monde (1) ; Suite provençale pour orchestre op. 125b (2) ; (1851-1931) : Symphonie sur un chant montagnard français op. 25 (3) ; Jacques Ibert (1890-1962) : Escales (4) ; Arthur Honegger (1892-1955) : Symphonie n°2 pour orchestre à cordes (5) ; Symphonie n°5 «Di tre re» (6). Albert Roussel (1869-1937) : Bacchus et Ariane, suite de ballet n°2 (7) ; Charles Kœchlin (1867-1950) : The seven's stars Symphony op. 132 (8) ; Emmanuel Chabrier (1841-1894) : España (9) ; Paul Dukas (1865-1935) : La Péri (10) ; L'apprenti-sorcier (11) ; Florent Schmitt (1870-1958) : Salammbô, trois suites d'orchestre op. 76 (12) ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) : La nuit (13) ; Le rouet d'Omphale (14). Nicole Henriot-Schweitzer, piano (3) ; , soprano (13). Chœur de l'armée française, direction : Yves Parmentier (12). , direction : (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 11, 14) ; Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, direction : (8) ; New York Philharmonic, direction : Leonard Bernstein (9), (10) ; Orchestre National d'Ile-de-France, direction : Jacques Mercier (12, 13). 1 coffret de 4 CD Sony 88697 486872. Code-barre : 886974868729. Notice en français. Dates d'enregistrements non précisées. Durée totale non précisée.

Escales symphoniques est un grand méli-mélo de partitions symphoniques françaises. Si l'on ne s'attardera pas sur l'interprétation globale (au vu de manque de repères pour bien des pages), on ne peut que se réjouir de la nouvelle parution de ces œuvres. Certes, la Symphonie sur un chant montagnard français op. 25 de , España de Chabrier ou les Symphonies de Honneger figurent assez régulièrement au programme des concerts. Mais il est aussi fort agréable de trouver dans ce coffret Escales de Jacques Ibert, la Suite provençale pour orchestre op. 125b de Darius Milhaud ou encore The seven's stars Symphony op. 132 du trop délaissé Charles Kœchlin. On découvre dans ce coffret du très bon (Leonard Bernstein, Pierre Boulez ou ) et du moins bon… Mais qu'importe, le kaléidoscope orchestral ici proposé est de bonne facture et permet à chacun de découvrir de nouveaux sentiers musicaux.

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