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Pelly le magnifique !

Le travail du metteur en scène se reconnaît au bout de quelques minutes, comme on identifie du Modiano en peu de pages, du Tarantino en une poignée de secondes.

Son art malicieux et pertinent des juxtapositions d'univers, des anachronismes réussis et du pastiche subtil, qu'il décline depuis Orphée aux Enfers, (sa première production au Grand Théâtre de Genève en 1998), fait toujours merveille. Sa mise en scène du Roi malgré lui, d' a été longuement acclamée par une salle Favart archi comble. Cette reprise du spectacle de l'Opéra national de Lyon, créé en 2005, n'a rien perdu en humour ni en inventivité. Entouré de ses complices habituels, l'excellent Lionel Hoche et le non moins parfait Joël Adam, se tire avec une épatante habileté d'un livret pour le moins improbable, retouché et réécrit à satiété au fil des années.

disait de lui-même : «Je rythme ma musique avec mes sabots d'Auvergnat. » Verlaine le décrivait «gai comme les pinsons et mélodieux comme les rossignols. » Malgré des dispositions pour la musique, il se retrouve à Paris pour entreprendre des études de droit et devient fonctionnaire dans un bureau du ministère de l'intérieur qu'il partage avec J. K. Huysmans. Il se lie alors d'amitié avec les Parnassiens et devient un invité apprécié des salons parisiens, tant pour sa virtuosité pianistique que pour son humour et son ironie.

Son caractère jovial le porte à composer des opérettes : L'étoile (1877) connaît un succès… sans lendemain. En 1887, la création du Roi malgré lui (comme celles de tous ses ouvrages lyriques) fut particulièrement chaotique. L'œuvre est légère mais d'une écriture fine, complexe, atypique dans ce genre et donc incomprise à l'époque. On ne peut s'empêcher de songer à la finesse et à l'écriture travaillée de la délicieuse Ciboulette de Reynaldo Hahn, celui-là même qui qualifiait Le roi malgré lui «d'opérette colossale». La partition alterne les passages «offenbachiens» (comme dans la valse chorale qui ouvre l'acte II, «Valse endiablée, emporte-nous dans la mêlée») et des moments d'une rare intensité lyrique (tel le Nocturne à deux voix, chanté par Minka et Alexina, «Ô rêve éteint, réveils funèbres»). L'écriture chorale est particulièrement complexe et c'est l'occasion de saluer la belle prestation des chœurs de l'Opéra de Lyon.

Le quatuor vocal réuni à Paris s'accorde parfaitement à la malice de la mise en scène et au lyrisme de la partition. , épatant trublion qui prend autant de plaisir à jouer qu'à chanter est un excellent Henri de Valois. Autour de lui, la Minka de est exquise et dévoile un abattage qu'on ne lui soupçonnait pas. Seul , le comte de Nangis, semble un peu en retrait : avouons que le rôle n'a pas grand intérêt et qu'il sert de faire-valoir au Roi… Saluons enfin l'époustouflante prestation de , qui incarne le fielleux et mielleux duc de Fritelli : diction parfaite, sens aigu de la comédie et du burlesque, projection et couleurs superbes : bravo !

L' dirigé par se sort au mieux de cette œuvre délicate à réaliser. Au terme d'une soirée réussie, on repart content et satisfait, songeant qu'enfin un opéra-comique retrouve sa vraie place à l'Opéra Comique.

Crédit photographique : (Comte de Nangis) ; (Minka) © Elisabeth Carecchio

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