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Enfin Werther !

 Enfin Werther ! Non que l'œuvre soit peu donnée à Paris – on a pu l'entendre sur la même scène il y a moins d'un an – mais rarement dans un tel souci de cohérence et de vérité de l'œuvre.

Enfin un jeune poète beau et élancé – et une Charlotte au diapason, superbement costumée par Christian Gasc –, enfin un ténor sacrifiant les éclats de voix garants d'un succès facile à la représentation de la souffrance toute intériorisé du jeune Werther ! Peut-être parce qu'un homme de cinéma est aux commandes de cette production ? Benoît Jacquot, déçu par la distribution visuellement peu crédible de ce spectacle lors de sa création à Londres en 2004, met en scène aujourd'hui à Paris un opéra qui bénéficie des acquis du cinéma. Il ne suffit plus de bien chanter, il faut encore être crédible. Et ses héros sont de magnifiques personnages romantiques bien plus propres à émouvoir que les petits tonneaux qui s'époumonnent sur les plus prestigieuses scènes du monde. Werther et Albert sont pleins de prestance, Charlotte et Sophie belles et complémentaires. La direction d'acteurs, constamment juste, donne au genre une richesse qu'on lui connaît rarement, citons seulement le jeu sur les mains de Werther et de Charlotte qui se cherchent sans parvenir à se trouver durant les premiers actes.

Qu'ajouter aux guirlandes de louanges déjà tressées par les confrères si ce n'est nous borner à confirmer la réussite totale de ce spectacle, due à sa grande cohérence ?  approche de l'idéal dans une parfaite compréhension du héros romantique – et quelle diction française, et quelle musicalité ! est une Charlotte brûlante qui touche immédiatement, même si elle frôle parfois le surjeu, en comparaison notamment d'un Werther tout intériorisé. et sont, comme à leur habitude, des personnages parfaitement justes et des modèles de chant français. Il faut encore saluer, en plus de seconds rôles bien en place, la ravissante Sophie d'. Après avoir réussi à rendre intéressant le personnage de Micaëla l'an passé à l'Opéra Comique, parvient ici à faire exister celui de la deuxième de la fratrie. Le couple de sœurs fonctionne à merveille et cette Sophie est aussi rafraîchissante en feu follet qu'émouvante en amoureuse ignorée de Werther. Enfin, fait vivre dans la fosse un son qui n'appartient qu'à lui, ces fameuses couleurs qui sont sa signature dans la musique française. Lui non plus ne cherche pas l'éclat, mais délivre avec l'excellent orchestre de l'Opéra de Paris des couleurs automnales à l'unisson des décors pastels et d'un ténor à faire pleurer les plus hermétiques au Romantisme gœthéen.

Crédit photographique : (Werther) ; (Sophie), (Schmidt), (Le bailli) & Christian Tréguier (Johann) © Opéra national de Paris / Elise Haberer

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