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Die schweigsame Frau : Richard Strauss en version rare

Dans Lohengrin, donné la veille, tout tourne autour d'une question interdite. Pour cette nouvelle production straussienne, la troisième de comme directeur musical de l'Opéra de Munich, une autre question interdite plane au dessus du public tout au long de cette longue soirée de près de 4 heures : était-il vraiment bien utile de monter cette bien inoffensive petite comédie ?

La mise en scène de Barrie Kosky ne donne pas vraiment de réponse à cette question : s'il réussit souvent brillamment à faire vivre les situations plus ou moins comiques, si la détresse de Morosus est mise en lumière de façon poignante, il ne parvient pas vraiment à faire oublier la banalité du livret, que la notoriété de son auteur ne doit pas masquer. Le décor d'un dépouillement extrême d'Esther Bialas, d'une redoutable habileté, donne un écrin idéal pour ce travail de mise en situation, mais quiconque voudrait trouver à tout prix des niveaux de lecture plus profonds dans l'œuvre de Strauss et Zweig ne les trouveront pas ici.

Il est heureux que la distribution réunie soit à même de faire oublier en partie cette faiblesse structurelle, même si d'autres opéras du même compositeur leur ont donné ou leur donneront des occasions de briller bien plus gratifiantes. , brillante Zerbinetta dans Ariane à Naxos dans le même lieu en 2008 et 2009, met toute son énergie dans son jeu comme dans son chant et remporte à nouveau tous les suffrages : peut-être un peu plus de retenue à certains moments aiderait-elle à rendre plus émouvant encore son personnage. en Henry possède sans doute une force de conviction moins forcée, et sa voix de ténor infiniment souple et percutante est le grand bonheur vocal de la soirée, juste devant le Barbier virevoltant de . On n'en dira pas autant de , choisi il y a plusieurs mois pour remplacer John Tomlinson : sa voix est irrémédiablement usée jusqu'à la corde, plus encore que celle de son aîné britannique. Le rôle étant du reste assez peu exigeant vocalement, Hawlata réussit à sauver par son jeu et par sa sincérité une partie non négligeable du rôle, mais l'ensemble pèse lourdement sur la représentation à force de phrases fausses et de diction absente. Le contraste est cruel avec les différents membres de la troupe qui l'entourent et dont l'un ou l'autre auraient pu sans doute le remplacer sans dommage – que les nombreux petits rôles soient admirablement tenus, ces regrets mis à part, n'en est pas moins une importante consolation.

La partition de Strauss essaie visiblement de renouer avec la légèreté de ses comédies en musique précédente, quelque part entre le troisième acte du Chevalier à la Rose et le prologue d'Ariane à Naxos, dans une atmosphère passéiste qui reste, pour le meilleur et pour le pire, un des plus efficaces paramètres de ces œuvres. Ici, la légèreté est pour l'essentiel absente, et faute d'une écriture théâtrale suffisamment variée, l'œuvre donne une impression persistante de monotonie, que ne viennent guère perturber les parodies de musique ancienne, Legrenzi et Monteverdi, par lesquelles Strauss entend au début du troisième acte traduire la légèreté d'Aminta.

Monteverdi, justement. En voyant tout au long de la représentation les murs nus et la porte de fer qui clôt la scène du Prinzregententheater, on ne peut s'empêcher de penser à la belle production du Retour d'Ulysse de Monteverdi, où en Pénélope, dans ce même décor dépouillé, venait du fond de la scène bouleverser les spectateurs en disant son monologue d'entrée. Monteverdi, comme Cavalli ou Haendel, a depuis été chassé de la scène, réduisant ainsi le répertoire de l'Opéra de Munich à 150 des 400 années de vie du genre lyrique : quel dommage que les chefs-d'œuvre de ces compositeurs majeurs soient ainsi ostracisés au profit d'une œuvre secondaire signée par deux noms prestigieux.

Crédit photographique : (Aminta) ; (la Gouvernante), (Sir Morosus) © Wilfried Hösl

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