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Enthousiasmante Bérénice à Tours

Grand promoteur du répertoire français, Jean-Yves Ossonce nous présente la rare Bérénice de Magnard qui, depuis sa création à l'Opéra Comique en 1911, n'avait encore connu qu'une seule reprise scénique à Marseille en 2001.

Cette « tragédie en musique » ne manque pourtant pas d'attraits, dès l'ouverture qui constitue une très belle pièce de concert. La partition de Magnard, subtile et raffinée, témoigne d'une grande habileté instrumentale et harmonique ainsi que d'une réelle inspiration mélodique. Comme cela avait été le cas en 2008 avec Le Pays de Ropartz, l'Opéra de Tours, en remettant à l'affiche cette Bérénice, répare une injustice flagrante.

La difficulté à mettre en scène un tel ouvrage réside dans l'absence presque totale d'action ou plutôt, comme nous le déclarait Catherine Hunold, dans une action induite par les sentiments et non par des situations. Il est par conséquent nécessaire que le maître d'œuvre scénique développe une réelle empathie avec les personnages, ce qui est le cas d'Alain Garichot. Ne cherchant pas à inventer des péripéties qui sont absentes du livret, il se concentre sur une direction d'acteurs fouillée pour composer des personnages dont il devient facile de partager les mobiles et les tourments. Le contraste entre la noblesse altière de la princesse de Judée et les douloureuses contorsions du jeune empereur est saisissant, tandis que Mucien est la personnalisation de l'impitoyable rigueur du devoir. Le dispositif scénique se décline en blanc et bleu, évoquant avec sobriété une demeure romaine, la salle du trône puis la trirème de Bérénice.

Les deux rôles principaux sont vocalement redoutables mais trouvent ici des interprètes à la hauteur. , en passe de devenir incontournable dans ce répertoire, possède la puissance, l'ambitus, le tranchant dans l'aigu et l'incisivité du chant qu'exige son emploi ; elle sait par ailleurs traduire dans son chant l'évolution de l'amoureuse passionnée et véhémente qui fera preuve d'une extraordinaire noblesse d'âme dans son renoncement. évolue sur les mêmes cimes avec une aisance vocale, une exemplarité de la diction et un engagement scénique qui forcent de bout en bout l'admiration et le placent incontestablement parmi les meilleurs représentants de l'école française. Si incarne Mucien avec beaucoup de noblesse, nous sommes dubitatifs sur le profil vocal de dont le registre grave paraît fabriqué.

L'orchestre joue dans cet ouvrage un rôle aussi essentiel que complexe, devant allier la maîtrise d'une architecture complexe avec le respect des plus subtils détails. Déjà familiarisé avec l'univers symphonique de Magnard, l'Orchestre Symphonique Région Centre-Tours relève le défi avec brio sous la baguette de , qui réalise un travail architectural d'exception et magnifie notamment les accents enivrants du duo du premier acte. Le chœur, n'intervenant qu'en coulisses, est lui aussi irréprochable, participant à une réussite majeure de la saison qui récompense l'audace de la maison tourangelle.

Crédit photographique : (Bérénice) © François Berthon

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