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Rencontres musicales de Vézelay sous le signe de la recréation

La 18e édition des Rencontres musicales de Vézelay s'est tenue du 24 au 27 août sur la colline éternelle, où s'opérait l'archimie de transformation, comme le disait Lavoisier (que cite Nicolas Bucher, directeur de la Cité de la Voix) : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Vêpres à la Vierge de Monteverdi citées par Hersant, Stabat Mater de Pergolèse recréé par Bach, œuvres de divers compositeurs du XIXe et du XXe siècles transcendées par les chanteurs de … la Cité de la Voix offre des expériences musicales pleinement réussies, résultat d'une incroyable richesse, fruit des croisements culturels.

Un Égyptien à Venise

Le premier concert, à 16 heures à l'église Saint-Jacques d'Asquins, est une illustration éloquente de ces croisements. Intitulé « Un Égyptien à Venise », il propose une rencontre imaginaire entre un musicien égyptien et un compositeur italien, (1603-1681) qui fut le premier à composer un opéra pour le public en 1673. L'événement se serait passé au XVIIe siècle, où et font confronter avec bonheur leurs instruments respectifs, le serpent et l'oud, dans de fréquentes improvisations. Nombreux sont les thèmes en variations ou librement développés sur une basse obstinée ; à plusieurs reprises, la guitare basse électrique entre dans le jeu, notamment dans Cantate spirituale « Queste pungete spine » de Ferrari et Zefiro torna de Monteverdi. Mais sa sonorité est si bien intégrée dans l'ensemble que cela ne heurte aucunement l'esthétique baroque. La soprano apporte de grandes touches expressives dans ce beau tableau du XVIIe siècle où la voix demeure essentielle.

À 21 heures, des œuvres chorales allemandes, catholique et luthérienne, de la période romantique (Mendelssohn, Brahms, Reger et Bruckner), sont suivies des Vêpres à la Vierge Marie de . Créées le 10 décembre 2013 à Notre-Dame de Paris à l'occasion du jubilé de ses 850 ans, ces Vêpres se présentent ce soir dans une version pour un orgue et un effectif réduit du chœur. À cette occasion, un orgue « mobile en kit », de 350 tuyaux environs, construit par Jean-Baptiste Monnot, est installé derrière les choristes (et sa console à l'extrémité de la scène, côté cour). Louis-Noël Bestion de Camboulas le fait sonner tout à fait dignement, pour une partition remplaçant les deux orgues et un ensemble de cuivres utilisés dans la version initiale. Les choristes de l' et les Petits Chanteurs de Lyon répondent fidèlement à la direction de , qui sait tirer en le meilleur atout vocal.

Du Banquet Céleste à

À la Collégiale Saint-Lazare d'Avallon, le voyage en Italie se poursuit. L'ensemble Le Banquet Céleste dirigé par son fondateur et contre-ténor Damien Guillon, offre trois œuvres emblématique du XVIIIe siècle lumineux : Salve Regina de Pergolèse, Nisi Dominus de Vivaldi et Psaume 51 « Tigle, Höchster, meine Sünden » de Bach, d'après le Stabat Mater de Pergolèse. Dans la première pièce, impressionne d'emblée par sa virtuosité et son expressivité bien propre à son timbre cuivré. Une autre virtuosité dans Nisi Dominus, dans un ton plus arrondi de l'alto, fait le bonheur des auditeurs. Que ce soit les vocalises ou les mélodies linéaires, chaque note, chaque phrasé traité par Damien Guillon est d'une préciosité flagrante. Ainsi, dans « Cum dederit », la voix navigue sur le balancement instrumental en s'y intégrant entièrement, en formant une totale unité. Le psaume 51 est l'aboutissement surprenant d'une réécriture sous la plume de Bach, où les voix de soprano et d'alto se mêlent et se distinguent tour à tour, dans des affrontements harmonieux.

La Nuit dévoilée par , à 21 heures à la Basilique, est une véritable mise en espace, tant sur le plan sonore qu'humain, au centre de laquelle est placé le public. Elle se dévoile d'un seul trait, en une heure environ. Au programme, des pièces chorales de nos jour, pour la plupart des œuvres de compositeurs vivants, majoritairement nordiques. Elles sont enchaînées de manière si naturelle, avec leurs caractères et leurs tonalités, qu'on dirait une seule grande œuvre ! Selon les pièces, les chanteurs prennent des dispositifs différents, souvent en se déplaçant dans les nefs latérales, parfois avec des gestes, parfois dans des postures inattendues. Des percussions accompagnent certains moments de la soirée comme des cloches tubulaires pour l'ouverture du concert ou des tambours dans les morceaux les plus dynamiques. Plus qu'un concert, c'est un spectacle original et unique. On imagine le travail colossal des chanteurs qui réalisent une performance vocale et musicale parfaitement rodée, chantée entièrement par cœur, le tout sous la direction magique de Loïc Pierre.

 Martin Luther 1517 par Musica Nova

2017 coïncide avec les 500 ans de la Réforme par Martin Luther, qui afficha en 1517 sur les portes de l'église du château de Wittenberg les 95 thèses de sa « Dispute sur la vertu des indulgences ». Pour célébrer l'événement, l'ensemble Musica Nova et son chef Lucien Kandel donnent, à l'église Notre-Dame, à Saint-Père, un concert intitulé tout simplement « Martin Luther 1517 ». Les chants pour différents moments de culte (de l'Avent à la Fin du Temps, en passant par la Carême, Pâques ou la Pentecôte), qui constituent ce programme, sont des musiques luthériennes des origines, notamment de qui collabora avec Luther de cette matière. Ces chants, assez complexes sous l'influence de la polyphonie franco-flamande de la Renaissance, vont parfois à l'encontre de notre idée sur les partitions initiées par Luther, selon laquelle ces cantiques sont faciles à mémoriser et à chanter. D'ailleurs, à la fin du concert — ponctué de quelques lectures de lettres et de témoignages sur la musique de Luther —, nous entendons l'adaptation d'Ave Maria Virgo serena de par , en latin, puisqu'on continua à chanter dans cette langue, parallèlement à l'allemand. L'interprétation exigeante nous débarrasse également de cette idée reçue sur les « mélodies faciles ».

Chant du soir par

Les trois journées intenses se referment avec Mozart (Exultate, jubilate KV 165, Vesperae solennes de confessore KV 339) et Mendelssohn (Psaume 115 : Nicht unserm Namen, Herr et Psaume 42). La soprano ajoute à Exultate, jubilate, une touche festive, même si sa couleur tirée vers le mezzo ne réussit pas totalement la virée dans les aigus. Des jeunes chanteurs de l'Académie Arsys Bourgogne, étudiants des Conservatoires supérieurs de Paris et de Lyon, rejoignent leur aînés ; certains d'entre eux se trouvent parmi les solistes et brillent par leur performance soignée. L' assure une belle prestation, bien équilibrée entre les musiciens aussi bien qu'avec les chanteurs. Mihály Zeke hisse encore le niveau du Chœur Arsys Bourgogne, qui se caractérise davantage par une agréable homogénéité.

Crédits Photographiques : @ Alix Pierre ; Arsys Bourgogne avec et Mihály Zeke @ Valentine Poutignat ; et Damien Guillon @ Adeline Lhermite

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