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La lettre d’amour de Mariana Flores avec Monteverdi

L'amour, toujours l'amour… Dans cette compilation de monodies accompagnées écrites par , l'expressivité et la diversité des affects prévalent dans cette savoureuse interprétation.

Illustrant les premières œuvres a voce sola écrites pour des chanteuses invitées à la cour de Mantoue (dont Caterina Martinelli mais aussi , future épouse du maître), ce sont des récitatifs et airs extraits de livres de madrigaux, de l'Orfeo, de recueils de mélodies et de L'Incoronazzione di Poppea qui sont défendues avec vigueur par la soprano , et la , rejoints ponctuellement par la soprano , les ténors et , ainsi que la basse .

Le Lamento d'Arianna avec lequel Monteverdi aborde un nouveau genre largement utilisé tout au long du XVIIe siècle, a évidemment toute sa place dans cette thématique. Récemment apprécié dans un autre enregistrement avec , le parti-pris est ici une lente déclamation favorisant au mieux l'intelligibilité du texte à l'origine de toute chose dans cette musique. Ce choix permet à la soprano de multiplier les effets de timbre et de souffle pour déployer sans réserve la suavité de sa voix. Dissonance initiale déchirante, « r » roulés à la perfection, brillants missa di voce, attention constante du rythme et du renouvellement du discours par un foisonnement d'affects vibrants, font toute la force de cette interprétation sensuelle soutenue par une basse continue d'une grande variété de coloris et d'une efficacité exemplaire. Cette basse se compose d'un théorbe, d'un archiluth, d'une harpe, d'une basse de viole, d'un violon, d'un clavecin, d'une épinette à cordes de boyau ou d'un orgue (ces trois derniers assurés par le chef). Le Lamento della Ninfa se distingue, lui, par une répétition obsessionnelle de la basse de passacaille pour l'expression d'un seul état d'âme, désespoir exprimé bien différemment par rapport au Lasciate mi morire qui le précède.

En guise d'introduction, la mélodie quasi parlée de la Lettera amorosa a voce sola in genere rappresentativo inspire un subtil clair-obscur aux musiciens. S'enchaîne la spontanéité franche de la chanteuse dans un extrait du septième livre de madrigaux, Ohimé, dov'è il moi ben, pris dans un tempo plus rapide qu'à l'accoutumé que ces quatre couplets sur une basse de la romanesca, duo où la voix de fusionne élégamment avec celle de la brillante . Vive et contrastée, l'expressivité exacerbée des interprètes s'affirme dans le monologue d'Ottavia extrait de L'Incoronazione di Poppea, la déclamation assumant pleinement une certaine liberté, toujours au grès de la signification du texte. Précédant judicieusement ce lamento, la pièce chantée par trois voix masculines, Perch'é se m'odiavi, marque une parenthèse bienvenue, pleine de rancœurs pour la cruelle Filli.

Les mots sont aussi la source des variations d'accents et de rythmiques de dans le Dal moi Permesso amato de l'Orfeo. Dans les sept ritournelles de Et è pur dunque vero où la chanteuse traduit chaque couplet par une agilité introductive, puis une expression alanguie et enfin douloureuse avec des ornementations de plus en plus affirmées, autant que dans le caractère obstiné de Ohimé ch'io cado et les méandres de vocalises virtuoses initiés par la basse de ciaconna de Voglio di vita urscir, une expression dramatique et humaine à fleur de peau constamment transparaît dans toute son imprévue « baroque ».

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