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De mains de maîtres : partitions autographes de la BnF

De à , cette publication luxueuse de partitions manuscrites venant de la (BnF) sonde la richesse du département de la Musique (bibliothèque-musée de l'Opéra et bibliothèque du Conservatoire réunies) sous l'autorité de .

Conserver un manuscrit autographe au XVIIᵉ et XVIIIᵉ n'est légitime que si la partition n'a pas été imprimée nous dit , dont le texte introductif, passionnant, retrace l'évolution du statut de l'autographe et l'enrichissement progressif du fonds de la BnF.

Il faut attendre la seconde moitié du XVIIIᵉ siècle, avec le développement des catalogues thématiques et la part active des premiers collectionneurs (Georg Poelchau à Berlin, Jacques-Joseph Marie Decroix à Lille) pour que le manuscrit acquiert une importance supérieure, avant de devenir œuvre à part entière au XIXᵉ siècle, puis objet de patrimoine national.

Le culte rendu aux compositeurs, Beethoven notamment, élève la valeur du document autographe au stade de relique, voire d'objet sacré. C'est avec cette vénération que conserve l'autographe de Don Giovanni qu'elle léguera avant sa mort à la bibliothèque du Conservatoire. Cette dernière deviendra d'ailleurs la première bibliothèque musicale de Paris (sise rue de Madrid) après le legs important du collectionneur privé (mais aussi archiviste et bibliothécaire à l'Opéra) Charles Malherbe. Il avait en 1900, à l'occasion de l'exposition universelle, fait un « appel à manuscrits » à plus de sept cents compositeurs internationaux ! Alors que les bibliothèques d'Allemagne et d'Angleterre entreprennent des éditions monumentales, fortes des collections d'autographes acquises et recensées, se crée en France sous l'occupation (1942) le département de la Musique de la Bibliothèque nationale (rue de Richelieu puis rue de Louvois), s'adjoignant les collections musicales de l'Opéra et du Conservatoire. Les fonds les plus précieux (les autographes notamment) de la bibliothèque du Conservatoire y sont alors déplacés.

Donnant un aperçu global de la collection, l'ouvrage s'articule en six parties respectant la progression chronologique, avec un chapitre spécifique consacré à l'opéra au XIXᵉ siècle. Ces pages autographes d'œuvres le plus souvent célèbres (Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, Symphonie fantastique de , Carmen de , Boléro de , etc.), offrent, à des degrés divers, des renseignements sur la genèse de l'œuvre et les étapes de l'écriture : tel cet unique autographe complet de (une Cantate) écrit à la hâte sur un papier grossier, sans soin ni aucune indication de jeu, qui fera sans doute l'objet d'une seconde copie pour l'exécution; ou encore cet ensemble d'esquisses aux crayons de couleur et à l'encre rouge du Sacre du Printemps, révélant un travail de détail sur le rythme et l'agencement des cellules ; étonnant encore, cette page impeccable de Werther au bas de laquelle tient son « journal de bord », mentionnant l'incendie de l'Opéra comique la nuit du 26 mars 1887. Le soin apporté à la copie et la graphie sont autant d'indices touchant à la personnalité de l'artiste, voire à « l'âme de sa musique », pour citer la compositrice (message électronique à ) qui vient de léguer ses partitions à la BnF : ainsi cette calligraphie quasi théâtrale de Mozart dans Don Giovanni ou encore le trait acéré, les ratures, suppressions et portées prolongées au crayon par Beethoven dans les trois pages quasi cauchemardesques de l‘Appassionata ; mêmes hésitations, corrections, allègements, repentirs sur le beau papier couleur crème de la Ballade n°2 de où se lit la dédicace du compositeur. Les quelques portées de musique griffonnées par disparaissent sous un flot de didascalies destinées au chorégraphe pour le ballet rajouté dans le premier acte de Tannhäuser. Très drôle et révélateur du personnage, la graphie iconoclaste et néanmoins stylée d' dans les trois Gymnopédies où le compositeur d'Arcueil « jongle » avec les lignes supplémentaires, quand l'écriture à l'encre de et concurrence celle des meilleurs copistes.

Ces pages manuscrites s'accompagnent d'une biographie du compositeur, d'une notice sur l'œuvre choisie et d'une abondante iconographie puisant à de multiples sources. Aux dessins, peintures, gravures, gouaches et photographies de toute beauté s'ajoutent les costumes et les maquettes de décors pour l'opéra (Guillaume Tell de Rossini, Dialogues des Carmélites de Poulenc, etc.), les danseuses de Nijinsky dans le « Sacre », les caricatures (Wagner, Liszt, Berlioz, etc.), la lutherie (Arpeggione de Schubert), jusqu'aux photos du Mont-Blanc pour la Symphonie alpestre de Strauss. Au verso du carton d'invitation dessiné par un des prisonniers du Stalag VIII de Görlitz pour la création du Quatuor pour la fin du temps d' se découvrent les témoignages particulièrement émouvants des interprètes.

Trente-quatre partitions autographes au total et une seule compositrice à l'appel, la grande et le manuscrit au crayon d'une méticuleuse précision de sa cantate Faust et Hélène qui lui valut le Prix de Rome. Les corrections et annotations en rouge de Lili prouvent que l'œuvre a été donnée en concert avant de passer par les mains du copiste en vue de l'édition chez Ricordi en 1913.

Reste à savoir combien d'autres grandes dames figurent dans les collections de la Bnf sans avoir eu le privilège de partager la vedette avec ces messieurs, dans une publication qui n'en reste pas moins précieuse autant que somptueuse.

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