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Justesse et intelligence pour Pelléas et Mélisande par Kent Nagano à Hambourg

Toujours aussi impactante après vingt ans, la production du Pelléas et Mélisande de Debussy par bénéficie maintenant de la direction pure et sibylline de .


Créée en 1999 par Ingo Metzmacher, la mise en scène de pour Pelléas et Mélisande de continue à procurer ses émotions fortes au Staatsoper de Hambourg. Le décor blanc de Wolfgang Gussmann étale sa pureté, pour une action souvent centrée sur un cercle en milieu de plateau. L'eau s'y trouve à l'intérieur dès la scène de la forêt, puis pour celles de la fontaine, jusqu'à la mort de Pelléas. Lors du duo des deux amants dont on ne saura jamais s'ils ont péché, une grande pomme apparaît au-dessus du plateau pour évoquer le paradis perdu, tandis que la scène s'est obscurcie pour tendre vers une dure pénombre. Des scènes les plus fortes, celle des souterrains du château marque particulièrement, car les deux hommes du drame s'y trouvent à plusieurs mètres de hauteur, sur une échelle dont l'instabilité et la dangerosité évoquent les batailles psychologiques que se livre Golaud.

Pour ce personnage le plus dramatique de l'œuvre, revient en termes de jeu d'acteur à son plus haut niveau. Il développe un homme torturé, empli de tourments dès son écart dans la forêt, jusque devant Mélisande en croix sur son lit de mort à la scène finale. Sa voix autoritaire ne présente plus les mêmes nuances que par le passé, mais son chant trouve toujours le même impact, renforcé par un jeu d'une rare violence lorsqu'il cherche à savoir et comprendre, que cela soit d'Yniold, de Pelléas ou de Mélisande. L'enfant est tenu magnifiquement par le jeune Maximilian Leicher, soliste du Tölzer Knabenchor, auquel on pardonne le manque de précision sur la langue française, tant le style vocal est de qualité.

Mélisande revient à , très compréhensible et souvent sensible, bien que peut-être pas assez limpide pour le rôle. Elle répond aussi par là à la dramaturgie de Heiko Hentschel, prévue pour des personnages forts plutôt que des êtres à peine abordés, comme dans d'autres mises en scène du chef-d'œuvre adapté de la pièce de Maurice Maeterlinck. Son innocence laisse aussi des doutes, lorsqu'on analyse sa façon très volontaire de jeter d'abord la couronne qu'on lui a donnée, puis la bague. Face à elle, en fait beaucoup trop, toujours agité et même souvent grand-guignolesque, dans des instants où rien ou presque ne bouge sur le plateau. Même si sa voix a perdu à l'aigu, il parvient toutefois à exalter la scène des souterrains, ainsi que celle des cheveux de Mélisande, voile desquels il ne parvient plus à se dégager quand arrive Golaud.

L'incarnation des parents revient à deux chanteurs de l'ensemble de Hambourg. L'Arkel de déploie moins de puissance que celui référent de Selig ces dernières décennies, mais il bénéficie de la production, où il se découvre comme un vieux meuble sous un drap posé pour lui éviter la poussière. tient Geneviève en lisant une lettre sensible, quand le médecin de frappe dans le dernier tableau par la gravité de son timbre.

Au-dessus de tous, le directeur musical est d'une rare justesse. Toujours aussi clair dans la musique française, il utilise son orchestre germanique non pour développer totalement la transparence des parties de violons, comme il peut le faire avec sa formation canadienne, mais plutôt pour en ressortir les parties graves et une tension permanente des cordes, dès l'introduction, puis de façon particulièrement intelligente au premier interlude. Sans jamais dénaturer la moindre mesure d'une partition qu'il connaît et maîtrise depuis plusieurs décennies, il n'y livre que pureté et transparence, à l'image des splendides flûtes et clarinettes, et surtout des harpes, sibyllines à chacune de leurs apparitions.

Crédits Photographiques : © Jorn Kipping

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