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Dumestre et Lazar pour un Phaéton entre passé et futur

Alors que la lecture théâtrale de surprend à bien des égards, celui-ci mettant de côté ces habituelles reconstitutions historiques faites d'éclairage à la bougie et de machineries d'époque, dirige un plateau redonnant vie scrupuleusement aux codes du XVIIe siècle, au détriment des affects.

Même si cela reste un ouvrage rare sur scène ou en disque, le Phaéton de Lully fut l'objet de précédentes captations de qualité : la primeur revient au chef d'orchestre Marc Minkowski, son exhumation marquant les esprits notamment par ses couleurs orchestrales lors de la réouverture de l'Opéra de Lyon en 1993, prestation suivie d'un enregistrement pour Erato ; Christophe Rousset s'essaya également à cette partition, y apportant une approche dotée de plus de profondeur tout aussi réussie. Aujourd'hui, dans la fosse de l'Opéra Royal où a été filmé cette production, survolte son orchestre par des nuances et des couleurs enlevées, affirmant une violence abrupte s'émancipant d'une lecture académique de bon ton.

La réussite de leur Cadmus et Hermione, sur scène (à Luxembourg) ou en disque (clef ResMusica en 2008), laissait penser que le duo Dumestre-Lazar allait de nouveau nous épater. L'approche du metteur en scène est en vérité bien singulière par rapport à ses précédents travaux : un plateau pauvre qui ne ravit pas l'œil à l'écran (encore plus marqué par les plans larges de la réalisation), et cela pour laisser des lumières clinquantes prospérer ; des costumes éclatants – toujours d'or – côtoyant d'autres vêtements tout droit sortis d'une friperie ; des projections vidéos de défilés militaires à la place des ballets, et quelques pantomimes exécutées par des choristes dont ce n'est visiblement pas la compétence première… Le futurisme de cette version, se voulant universel, malmène – ou est-ce l'inverse ? -, une direction d'acteurs et un art de la déclamation qui sont bien eux, « historiques ».

Mais au lieu de plaire, cette gestuelle baroque et cette prononciation d'époque précisément restituées (« on » non audibles ou encore des « s » sonores en fin de mots…) instaurent une distance manifeste entre les chanteurs et le spectateur. La raison première est que cette prononciation ne permet pas de comprendre le texte, le sous-titrage seulement en anglais ou en allemand ou la notice dépourvue du livret ne pouvant pallier cette déconvenue. La seconde raison, pas des moindres, et que tous ces effets contribuent à une froideur interprétative générale, alors qu'on s'enthousiasmait d'avance d'entendre (Lybie), (Théone), Mathias Vidal (Phaéton), (Triton)… tous pourvus de qualités bien connues dans ce répertoire baroque et que cette glaçante approche ne peut laisser librement se déployer. Alors quand le chœur de propose des lignes mélodiques systématiquement hachées et un chant souvent poussif, autant reprendre les interprétations passées.

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