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La princesse jaune pour un centenaire

Hasard de calendrier, cet enregistrement de La Princesse jaune de mené opportunément au moment de la pandémie, précède une prochaine production scénique à l'Opéra de Tours le mois prochain.

Le Palazzetto Bru Zane n'a pas besoin d'un centenaire pour mettre à l'honneur l'art lyrique de . Cette Princesse Jaune succède aux Barbares, à Proserpine, et au Timbre d'argent de cette collection de 29 livres-disques autour de l'opéra français.

Le lecteur démarre sa lecture par l'énoncé d'Alexandre Dratwicki des habituelles (présupposées) limites de ces opéras-comiques, que ce soit pour un lyricomane ou un musicien de notre époque, en raison des multiples contraintes des théâtres que certains ont pourtant bien déjouées. La première impression du futur auditeur de cet opéra-comique en un acte pourrait ainsi laisser penser que la qualité du « package » comble des lacunes musicales… Mais la Princesse jaune se pare autant d'élégance que de délicatesse, loin d'un exotisme caricatural et grossier, mais assurément fantasmé par son héros. Sous les effets de stupéfiants, Kornélis tombe amoureux de sa cousine Léna, qu'il confond avec la princesse Ming représentée sur son paravent figurant sa « japonaiserie », engouement typique des années 1860. Deux personnages suffisent à Saint-Saëns, ainsi qu'un bref chœur, pour opposer musicalement avec sa force romantique typique, et une intelligente subtilité, l'Orient et l'Occident.

Armand de Pontmartin, critique musical de l'époque, pensait qu'elle « n'avait ni la grâce de l'école française, ni le charme de l'Italie ». Pour le résumer en une phrase, La Princesse jaune détient la finesse d'un orientalisme mélancolique et ambigu, ainsi que les habituelles courbes de la musique résonnant à l'Opéra-Comique afin de se conformer aux goûts du public de 1872. L'écriture orchestrale est soignée, avec de jolis détails de timbres et de couleurs, comme des effets imitatifs forts à-propos, que la direction de et l'acoustique de la Halle aux Grains savent mettre en valeur. L'Orchestre national du Capitole sublime la partition par sa sonorité transparente, complétée par sa finesse expressive élogieuse.

Sous les traits de Léna, manie tout autant le boléro associé à son personnage, que la simplicité spécifique de la musique écrite dans le style japonais ; notamment au moment de son air exposant quelques vers, en japonais et en français, de la célèbre anthologie de poèmes du VIIᵉ et VIIIᵉ siècles, Man'yoshu (Dix mille feuilles). On retiendra de la part de la soprano, l'attention portée aux dialogues parlés – souvent absents dans les enregistrements discographiques des opéras-comiques – alors que la diction de la langue de Molière reste perfectible dans les parties chantées. De son côté, , incarnant Kornélis, maîtrise toutes les techniques de ce langage, portée par une agréable ligne de chant dans son air (« J'aime en son lointain mystère ») où les mélopées orientales s'élèvent élégamment dans une flopée de nuances, une des forces de l'interprète.

Cette heure de musique se complète par un pari risqué. On reste dans l'orientalisme musical avec les Mélodies persanes, traitées ici par la voix et un orchestre symphonique au complet. Initialement écrites pour voix et piano, ce cycle a été réagencé dans l'ordre du cycle pianistique initial, et agrémentées d'un court prélude et d'un interlude symphonique extraits de Nuit persane. Pas de chœur mais avec les orchestrations de Saint-Saëns, cette proposition a surtout le mérite de faire entendre la jeune génération du chant français, chaque mélodie étant exécutée par un artiste différent, de (Le Prélude et la Brise), (Interlude, Au cimetière) à (La Splendeur vide), Eléonore Pancrazi (La Solitaire), (Tournoiement) et (Sabre en main).

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