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Eugène Onéguine au TCE servi avec éclat par la direction de Karina Canellakis

Pour son premier passage dans la fosse du Théâtre des Champs-Elysées à l'occasion de cette nouvelle production d'Eugène Onéguine, exalte la mise en scène assez neutre de par l'acuité et l'à-propos de sa direction.

Eugène Onéguine, un opéra romantique, intimiste et délicat, tout imprégné d'une slavitude prégnante où se conjuguent amour, passion, rêve éperdu, réalité douloureuse, nostalgie sur le temps qui passe, sur le destin et les occasions manquées, dont nous donne, comme à son habitude, une vision épurée, essentielle, poétique ; une lecture qui sait se limiter à une illustration du livret, expurgée de connotations sociales, lorgnant plus vers Tchekhov que vers Pouchkine. La scénographie indispensable est d'une grande économie de moyens : un gazon, une lettre, des chaises qui délimitent l'espace, une chambre d'enfant, une salle de bal qui se transformera en club libertin à l'acte III pour signifier la décadence du héros…Les éclairages judicieux, les costumes se jouant de la temporalité entre XIXᵉ et XXᵉ siècle et les chorégraphies bien réglées concourent à la grande cohérence de cette mise ne scène qui laisse une large place à la musique…

Et la musique…Reconnaissons qu'elle est magistralement servie par dont on ne sait qu'admirer le plus de l'affinité et de la complicité palpables, ressenties dès les premiers instants, entre la cheffe américaine et le compositeur russe ; de l'intelligence de la direction qui renforce avec éclat la dramaturgie et soutient en permanence les chanteurs dans un équilibre souverain ; de la beauté de sa gestique ; de la souplesse, de la richesse en nuances, des fluctuations agogiques subtiles de son phrasé qui porte à l'acmé couleurs et émotions face à un au mieux de sa forme et remarquablement compliant ou se distinguent tout particulièrement cordes graves et vents (petite harmonie et cors).

La distribution vocale est à l'avenant : homogène et de haute volée. campe un Onéguine de grand style convaincant par la puissance de son baryton, comme par son incarnation scénique en dandy arrogant, déchu et désabusé ; face à lui,  habituée du rôle, (remplaçant Vannina Santoni, initialement prévue) donne à Tatiana toute la fragilité nécessaire, émouvante par la beauté et la limpidité de son timbre, tandis qu' (Olga) impressionne par l'ampleur et la profondeur de sa voix de contre alto ; (Lenski) porte l'émotion à son comble dans un : « Kuda, kuda » à faire pleurer les pierres ; confère à Grémine toute sa noblesse et sa compassion par la profondeur de sa basse ; (Madame Larina) rayonne de douceur maternelle à l'instar de la nourrice quelque peu vibrante de , alors que   apporte en Monsieur Friquet un intermède comique de bon aloi. Le Chœur de l'Opéra national de Bordeaux irréprochable participe, par sa justesse et sa précision, de la réussite indiscutable de cette production.

Crédit photographique : © Vincent Pontet

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