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Chez Bru Zane, La Fille de Mme Angot en version originale

Captivante mais mal captée, la nouvelle version de l'opérette la plus célèbre de réjouit et déçoit.

Préalablement à la version de concert donnée en juin dernier au TCE, le Palazetto Bru Zane avait immortalisé au disque l'emballante équipe réunie pour donner de vraies lettres de noblesse à cette oeuvre emblématique de « l'opérette bourgeoise » (à l'opposé de la mécanique Offenbach) dont même ceux qui ne l'ont jamais vue, ont forcément entendu parler: création à Bruxelles le 4 décembre 1872, à Paris le 21 février 1873 (411 représentations!), entrée au répertoire de l'Opéra Comique deux mois après la mort de son auteur, programmée du lendemain de la Première guerre mondiale au lendemain de la Seconde, beaux jours des théâtres de France et même succès international.

Prix opérette ex aequo en 1856 avec Georges Bizet, , héraut d'un genre inauguré par Hervé et porté haut par le Mozart des Champs-Elysées, ne goûta pourtant d'abord guère le livret « terne » (sic) de Charles Clairville, Paul Siraudin, Victor Konig, dont la seule originalité était le marqueur temporel. Écrit au lendemain de l'écroulement du Second Empire, il ressuscite le monde disparu qui précéda le Premier : le Directoire. Il fait revivre des personnages ayant réellement existé, avec un luxe de détails historiques qui tranchent avec le pittoresque approximatif de bien des opérettes. S'y confrontent Incroyables, Merveilleuses et Forts des Halles au fil d'un scénario visant à loisir parvenus, royalistes et conspirateurs en tous genres. Lecocq arrose ce panier de crabes, où même les amoureux sont opaques, de 17 numéros joliment troussés, quasi-tous devenus des refrains pour salles de bains et cours de ferme.

Les chanteurs sont épatants. La Clairette volubile et légère d' enchante comme elle aurait probablement enchanté le compositeur lui-même, qui disait redouter dans le rôle des voix par trop aiguës. apporte la noblesse et le style de Madame Lidoine à l'intrigante Mademoiselle Lange. outre à loisir la gouaille d'Amaranthe. Les hommes sont à l'avenant : duplice et délicieux Pitou, touchant Pomponnet, Mathieu Lécroart risible Larivaudière. , , David Witzak croquent avec précision la poignée de rôles secondaires et tous disent le verbe juste de dialogues abrégés mais non réécrits.

La prestation de cette belle distribution, auquel il convient d'ajouter la présence du Chœur du Concert Spirituel est hélas captée par une prise de son peu analytique, dont l'épaisseur dément l'alléchant propos introductif d'Alexandre Dratwicki adressant louange à la légèreté de la version originale dont c'est ici une première au disque. La « cacophonie épuisante » des cymbales de la version révisée laisse place à des timbales englouties dans une masse entassant les uns sur les autres solistes, chœur et orchestre. De la direction de à la tête de l', ne reste qu'un roboratif allant. La précédente version (EMI, 1972) semble du coup plus aérée, conservant même ses atouts : l'inoxydable Mady Mesplé, ses excellents complices de l'époque (Sinclair, Burles, Stutzmann) et même les dix minutes de bonheur prodigué par quatre numéros, à l'Acte III, d'un ballet absent de la nouvelle version et dont aucun des textes éclairants réunis dans ce superbe livre-disque (qui grave en bonus la version parisienne de deux duos) ne dit rien.

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